Les poèmes de cet ensemble se sont imposés à la suite d’événements mais demeurent néanmoins dans une sorte de décontextualisation comme si le temps ne laissait pas d’autre choix que de placer la poésie en une sorte de hors champ. Immergé longtemps du côté d’un magister médiatique et dirigé par le truchement du travail des autres à travers les lectures qu’il accumulées, l’auteur semble avoir du mal avec non seulement l’appréhension du réel mais l’exploration en profondeur du trouble qu’il peut générer.
Peut-être parce que le vieillissement n’est pas abordé frontalement, le livre manque de réelle personnalité d’écriture. L’auteur prend la pause en se prétendant une sorte de pauvre errant. Il crée un suppléant à la faillite de ce que serait sa propre expérience. En fait, rien de probant ne transparaît. Si bien que l’efficience et la légitimité d’écriture paraissent bien absconses.
Ce qu’éprouve l’auteur comme sa relation avec le monde manque d’intensité et d’importance. Tout ressemble à une série d’intermèdes en déficit de matière poétique conséquente. Ce qui aurait pu devenir une « Ordalie » reste un projet mal défini : “J’ai souvent pensé que le moindre récit / était une perte en vie humaine. / Jusqu’au jour où j’y ai vu un moyen /de lutter pour ma survie. // Peut-être était-il déjà trop tard. / On ne cherche pas indéfiniment sa nourriture /sur des terres qui ne cessent de s’amoindrir.“
A partir de ce principe, l’auteur semble ne plus avoir grand chose à dire et à montrer.
Les sensations vécues dans l’expérience d’une sédentarité font de ces textes un ensemble superfétatoire. L’expérience intime n’est qu’un solipsisme où pas grand chose n’arrive pour créer chez le lecteur une réelle attente. Il reste face à ce livre en état autant d’expectative que d’un certain ennui. Rien ne pulse vraiment, car l’écriture ni ne questionne, ni ne met en doute des certitudes.
Tout reste de l’ordre du commun entre une sorte d’impuissance et de manque d’ambition poétique. Se ressent l’acceptation en un certain hermétisme qui n’est en rien l’obstination d’affronter l’insensé et son énigme.
Demeure l’expérience de la défaillance qui n’apporte pas grand chose. Elle n’est pourtant pas consubstantielle à l’écriture de Veinstein. Il a écrit bien mieux. Car si Mallarmé définissait la poésie comme une « parole majeure »., ici elle manque de progression vers une forme digne de ce nom.
De l’auteur s’attendent une relance et une promesse plus conséquentes du crépuscule.
jean-paul gavard-perret
Alain Veinstein, A n’en plus finir, Seuil, 2019, 240 p. — 18, 00 €.