Selon Jacques Reda, “La réputation du mot n’est pas fameuse.” Le mot que le poète évoque est celui de “Charcuterie” et, ajoute-t-il, on lui a préféré celui de boucherie pour qualifier le destin malheureux des poilus de la Marne et autres rivières devenues — en des époques révolues (mais pour combien de temps ) — rouge sang.
Pour défendre ce mot, le poète revient aux sources du rythme et de la rime. Jaillit l’ode à la couenne. Les vers s’y accouplent en fantaisie sur d’ “infernaux palus” pour saucissons à cuire et autres salaisons.
Reda s’amuse en continuant son tour de farce et de France des plaisirs. Après les bureaux de tabacs du vingtième arrondissement (Tabacs d’Orient), les délices de la Bourgogne viticole (Le versant avare) et la balade en forêts palais des spores (Éloge du champignon), le boudin, la crépinette, l’andouille de Vire ou d’ailleurs et la rosette font le menu des deux compères.
L’artiste épluche la hure, en gratte le rugueux jusque au gras de cochon et son glacis où bouillonnent le rose thon qui fait le jambon. Ici, la justesse voire la préciosité du langage créent le tangage du saindoux.
Tout est aussi léger que profond. Reda fait le scribe et Hélénon le sacripan des paroles. Ils prouvent que l’art crée ce que le vocabulaire ignore, tant souvent derrière sa laisse il n’y a pas forcément un chien mais un cochon qui sommeille.
jean-paul gavard-perret
Jacques Réda & Philippe Hélénon, Charcuterie(s), Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2020, 48 p.
L’art donc!