Virginie Greiner & Olivier Roman, Rendez-vous avec X – Mata Hari

Une espionne mythique ou une femme broyée ?

Cette série, en par­te­na­riat avec Patrick Pes­not qui anime une émis­sion por­tant ce titre le samedi sur France Inter, en est à son troi­sième opus. Après La Chi­noise qui conte l’histoire d’un comp­table de l’ambassade de France à Pékin, L’Affaire de la Baie des cochons, célé­bris­sime récit d’un fiasco, la col­lec­tion s’enrichit avec Mata Hari. Que n’a-t-on pas écrit sur la tra­jec­toire de cette femme qui émer­gea au cœur de la Belle-Époque et qui fit les beaux-jours, les délices du Tout-Paris ?
Vir­gi­nie Grei­ner démonte la mytho­lo­gie qui entoure sa vie et éclaire le per­son­nage d’un angle dif­fé­rent, mon­trant une femme bien éloi­gnée de la beauté fatale qu’on s’est plu à dépeindre. Certes, la vie mon­daine dans laquelle elle a été entraî­née, le suc­cès, le fait de se dévê­tir sen­suel­le­ment ont ouvert la voie à tous les fan­tasmes. L’auteure entre­prend de racon­ter la tra­jec­toire de cette per­son­na­lité et paral­lè­le­ment fait replon­ger dans le bouillon­ne­ment artis­tique qui secouait la Belle-Époque.

Le récit com­mence le 13 février 1917, à Paris, quand un com­mis­saire de police inves­tit la suite de Lady Macleod, pour l’arrêter. Elle est accu­sée de crime d’espionnage contre la nation fran­çaise. Celle-ci n’est pas inquiète, pen­sant que le capi­taine Ladoux va éclair­cir le mal­en­tendu.
Le scé­na­rio replace l’action à Paris, de nos jours, où le jeune Patrick Pes­not retrouve Mon­sieur X pour la visite d’une expo­si­tion dénom­mée Du No à Mata Hari — 2000 ans de théâtre.
En 1889, Émile Gui­met est consi­déré comme un des meilleurs experts des civi­li­sa­tions orien­tales. Il a ouvert un musée pour expo­ser ses col­lec­tions. C’est lui qui, dans sa biblio­thèque, pré­sente Mar­ga­re­tha Geer­truida Zelle au Tout-Paris le 13 mars 1905. Elle a pris le pseu­do­nyme de Mata Hari (Pupille de l’aurore en javanais).

C’est un spec­tacle de danses exo­tiques, de danses éro­tiques avec le sacré pour alibi. En fait, Mata Hari invente le strip-tease. C’est lors de son séjour en Indo­né­sie avec son mili­taire de mari qu’elle s’est ini­tiée, par dés­œu­vre­ment, aux danses locales à cou­leurs sacrées. Elle séduit le public et fait des triomphes par­tout où elle se pro­duit.
À Monte-Carlo, en février 1906, elle tombe amou­reuse d’un offi­cier prus­sien. Elle va le suivre à Ber­lin. C’est alors le début d’une longue des­cente aux enfers qui la conduira à un poteau d’exécution en 1917.

Virgi­nie Grei­ner res­ti­tue avec bon­heur le par­cours de cette femme libre – n’a-t-elle pas divorcé ! –, cos­mo­po­lite, deve­nue le jouet de mani­pu­la­tions conju­guées des ser­vices secrets alle­mands et fran­çais, un jouet qu’ils ont cassé. La recons­ti­tu­tion gra­phique est du plus bel effet avec les des­sins déli­cats, épu­rés, d’une grande finesse d’Olivier Roman et la mise en cou­leurs pas­tel de Scar­lett Smul­kowski.
Les planches enchantent l’œil, pas seule­ment par la plas­tique de l’héroïne, pour le rendu des décors de la Belle-Époque, les inté­rieurs, les acces­soires, les vête­ments… Les poses de la dan­seuse, à la fois las­cives et dyna­miques, sont ren­dues avec réa­lisme. Un dos­sier com­plète l’album, donne plus de pré­ci­sions sur les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes de ce drame et  une bio­gra­phie de l’héroïne riche­ment illustrée.

Avec ce Mata Hari, Vir­gi­nie Grei­ner rend un bel hom­mage à cette femme deve­nue une légende, lui res­ti­tuant sa dimen­sion humaine.

serge per­raud

Vir­gi­nie Grei­ner (scé­na­rio), Oli­vier Roman (des­sin), Scar­lett Smul­kowski (cou­leurs), Rendez-vous avec XMata Hari, Glé­nat– Comix Buro, coll. “Hors col­lec­tion”, octobre 2019, 64 p. – 14,95 €.

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