Pour Debray, l’esprit des lois reste une belle idée afin de mettre à mal le catastrophisme que prêchent les écologistes les plus durs. L’auteur veut croire moins en l’homme qu’en une “naissante féminitude” qui donnerait à l’humanisme ou à l’humanité une puissance de transformation contre notre façon de tuer la vie, afin — et à l’inverse — d’enfin la protéger.
Toutefois, il ne s’agit pas d’oublier l’histoire au profit de la nature. La première a bien des choses à nous apprendre sur la seconde. Et l’adepte d’une certaine philosophie de l’histoire héritée des Lumières et de Marx opte pour une nouvelle charnière où nature et histoire ne s’opposeraient plus. Et ce, afin de tenter de sortir de nos inquiétudes et angoisses justifiées. L’exemple de l’Australie aujourd’hui le prouverait s’il fallait encore s’en convaincre.
Il s’agit donc d’inventer “un petit homme vert” lourd de sa culpabilité et qui serait un anti-Faust. Face à le dévastation instaurée par les catastrophes de l’ère industrielle — dont en occidentaux nous avons largement profité mais dont il faut sortir — il convient d’espérer et de croire à une nouvelle donne. Elle ne se limite pas pour Debray à un catéchisme écologique qui prendrait le rôle qu’ont tenu le libéralisme et le marxisme.
Pour autant, l’auteur rappelle ce que l’Histoire a su construire face à l’idéal de la nature. Car pour lui le vert n’est pas forcément luisant. Il n’en fait pas une mystique.
Bref, l’essayiste pense une nouvelle marginalité. Sa pensée “réactionnaire” se veut non luthérienne. Il croit encore à la jouissance et au jouissif en opposant un droit face à la nature mais dans la recherche d’un équilibre contre l’ensauvagement d’un côté et le libéralisme sauvage de l’autre. Sauver la civilisation ne passe pas par des solutions absolutistes. L’essayiste sait où elles mènent.
En “ronchon impertinent et facétieux”, il se refuse à devenir un adorateur inconditionnel d’un nouveau culte religieux à Gaïa.
C’est un peu juste dirons certains. Mais, pour comprendre les enjeux du “siècle vert”, il convient de s’attacher à la pensée d’un tel vieux sage.
jean-paul gavard-perret
Régis Debray, Le siècle vert, Gallimard, coll. “Tract”, Paris, 2020, 64 p. — 4,90 €.