En psychanalyse et selon Freud, la sublimation est le transfert de l’énergie sexuelle vers un but artistique. L’œuvre remplace la libido, le désir charnel passe de sa représentation aux mouvements divers, complexes tendus vers un idéal de beauté. Bref, l’oeuvre élèverait autant les créateurs que les lecteurs quitte à payer cela d’un renoncement par changement de scène et de négociation.
Mathilde Girard en exhibe des symptômes à travers Paul Valéry, Léonard de Vinci, Lou Andréas-Salomé et Rilke, Virginia Woolf afin de montrer comment la caresse change de registre lorsque la pulsion ne fait plus de l’être un animal mais son contraire. La décharge brute, la perversité primaire d’un narcissisme infantile s’engage alors de manière contradictoire comme si, face à l’incurie, l’oeuvre absorbait la frustration dans une sorte d’amour courtois.
Mais la sublimation crée aussi des poussées plus nocturnes, entre autres lorsqu’elle ne règle pas tout et que le créateur qui peinait à jouir peine autant qu’à créer s’encastre au nom de son angoisse dans la mélancolie et dans la dépression. Exilé dans l’écriture, incapable de penser l’altérité, il semble prisonnier de lui-même. Mais pour Mathilde Girard cela donne des oeuvres majeures : Baudelaire, Kafka ou Beckett sont là pour le prouver.
Ce qu’ils ont pris comme incapacité à formuler l’informulable se met soudain à s’écrire comme sans se penser. Leur “crise”, leur empêchement permettent à ces fouilleurs de l’inconscient d’en retirer des blessures qui prennent corps au moment même où des tels auteurs semblent se réduire à l’état de cloporte. Ce que l’essayiste nomme “la terrible insécurité de d’un existence intérieure” crée des oeuvres qui leur échappent par le surgissement d’images aveugles et sourdes. Ce qui fait dire à Beckett : “ce n’est pas beaucoup mais je me serais contenté de moins”.
D’une certaine façon, la sublimation, dans de tels cas, ne tourne pas autour du propos mais le tord dans un phénomène de sécrétion géniale. Qui donc sinon Kaffka ou Beckett ? Ils cherchent dans l’écriture ce qui ne se dit pas encore là où l’impuissance à vivre donne la puissance du dire. C’est alors que les imaginations mortes imaginent encore au-delà de l’amour. Même s’ils n’auront pas pu connaître celui-ci eu égard à leur complexion ou leurs racines.
Hors réel ou rejetés par lui, ils font que quelque chose bouge encore. De telles oscillations sont majeures.
jean-paul gavard-perret
Mathilde Girard, Un personnage en quête de sublimations, Gallimard, 2019, 128 p. -, 12,50 €.
Chacun trouve élévation dans la jonction du projet avec la réalité .
Voir Sainte Thérèse d’Avila , Christian Bobin ou JPGP .
Sublime , forcément sublime …
Sublime !++