Pierre Bourgeade, Warum

Sexe, sur­vie, sacré et road movie

Il y a beau­coup de femmes dans ce roman. Une entre autres :” Elle s’appelait Karin Wartz, mais je l’appelais Warum car elle ne ces­sait de répé­ter ” Warum ?” sitôt qu’on par­lait de lit­té­ra­ture. Warum ?… Pour­quoi ?… Pour­quoi le roman change-t-il ? Et en quoi change-t-il ? Et pour­quoi ne sait-on jamais en quoi il va chan­ger… ! Excel­lentes ques­tions qui rongent le som­meil de l’écrivain, de leurs dents petites et brillantes. “
Mais, pour autant, elle n’a pas plus d’importance que les autres. Enfin presque. Car n’est-ce pas pour elle que l’auteur entre­prend son der­nier voyage ?

Le nar­ra­teur l’aime comme il aime sin­cè­re­ment toutes les femmes même s’il se contente de les obser­ver. Ou peut-être de s’en accom­mo­der. Mais, contrai­re­ment à cer­taines de ses fic­tions, ce Warum de Bour­geade n’est pas direc­te­ment un roman liber­tin. Il est fait de sou­ve­nirs, de nos­tal­gies mais comme l’était l’auteur : tou­jours allègre. Il y va de l’hédoniste.
Et le nar­ra­teur est la copie conforme de l’auteur. Pour preuve, on n’apprend rien sur lui. Bour­geade est de ces auteurs qui ne s’attardent pas sur-eux-mêmes. Il est plus inté­ressé par la vie, son cours, les autres donc l’amour. Et le sexe, même s’il faut savoir y renon­cer. Sans savoir où est la ligne rouge.

Et le roman avance, magni­fique, mêlant pay­sages et femmes : « Auto­route. Ciel gris bleu. Nuages rapides, d’un gris sou­tenu, aux bords effran­gés, d’un gris plus pâle. Sou­ve­nirs fugaces, s’effilochant. Deux cents? Trois cents femmes ? » Cer­taines femmes (sans comp­ter les pros­ti­tuées) ont de meilleures sta­ti­tiques. Mais ne s’en vantent pas.
Har­riet par exemple, l’amie amé­ri­caine du nar­ra­teur. Pour elle, l’attraction sexuelle n’est pas un alibi mais le symp­tome de l’émotion qui se per­pé­tue. Pour le nar­ra­teur aussi : “Même dans un motel, à soixante kilo­mètres de Paris, tout contre un échan­geur d’autoroute, pour cinq cents francs”. Il suf­fit de trou­ver la fille de joie qui redonne aux vieux de quoi se sen­tir vivant sur­tout lorsqu’elles ont “les ongles ron­gés. Sur chaque ongle, il y avait une petite tache de ver­nis rouge”.

Vingt ans après sa publi­ca­tion, ce roman méri­tait sa réédi­tion tant il fut passé sous silence. Il n’a pas pris une ride. C’est le livre du cré­pus­cule et de la sur­vie. Avec la notion du péché qu’il faut — mais pas plus — même si les fan­tasmes ont la vie dure. Pour preuve : “La bouche de la gare était le sexe béant d’une géante à demi allon­gée dont les deux jambes étaient le bou­le­vard Magenta et le bou­le­vard Sébas­to­pol (…) et dont le ventre et le buste étaient ce grand mor­ceau de ciel dressé, cui­vré de lumières.“
Le nar­ra­teur de ce road-movie sait qu’écrivant encore cela à son âge il a le cer­veau malade. Mais il faut ce qu’il faut. Et ce, pour les causes et les effets qui mènent jusqu’à l’anthropophagie.
Bon appé­tit Mes­dames. Bon appé­tit Messieurs.

jean-paul gavard-perret

Pierre Bour­geade, Warum, Tris­tram, Auch, 2020 — 20,00 €.

1 Comment

Filed under Romans

One Response to Pierre Bourgeade, Warum

  1. Villeneuve

    Pierre , avec ou sans femme , était simple , émo­tif , tou­chant , tendre , timide , déli­cieux , atta­chant et d’un natu­rel tel­le­ment désar­mant ! JPGP l’a honoré , à l’aune de sa vérité , en écri­vant cet article .

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