Il ne fallait qu’une occasion propice, en l’occurrence l’aménagement du Grand Louvre, pour que Nicolas Philibert, expert en l’art d’exhiber les dessous du réel, nous propose une visite à sa manière du célèbre musée. Intéressent au plus haut point le documentariste moins les grandiloquents effets de mise en scène, esbroufe architecturale et esthétique du lieu, qui sont légion en ces labyrinthiques galeries, que l’envers du décor. Ainsi voit-on à l’oeuvre ici ce qu’on ne voit absolument jamais d’habitude : les manutentionnaires qui charrient toiles et bustes, les techniciens de surface redonnant leurs feux illustres à des oeuvres vite éteintes sinon par la poussière et la patine du temps, le service de restauration permettant avec force discrétion de consolider tel ou tel élément défaillant des œuvres exposées, même les pompiers préposés à l’endroit.
Telle une chrysalide devenant papillon, le vieux musée se métamorphose avec les premières lueurs du jour, tandis que le parcourent en tous sens les multiples fourmis qui vont l’apprêter avec soin et patience. Sans grever les étonnantes images de cette toilette intime de commentaires qui viendraient les parasiter — seuls parlent les acteurs improvisés et capturés par la caméra sur leur ordinaire espace de travail -, Philibert explore coulisses et corridors, caves et toits. De ce regard cherchant à fixer comment, au jour le jour, prend vie le Louvre émerge une singulière compréhension de ce qui conditionne la magie de l’endroit : le labeur de l’ombre de plusieurs centaines de personnes sans lequel la magnificence à fleur de marbre resterait lettre morte.
frederic grolleau
La ville Louvre
Réalisateur : Nicolas Philibert
Date de parution : 4 septembre 2002
Éditeur : Montparnasse editions
Format plein écran et cinémascope
Bonus : “Programmer le hasard”, entretien avec Nicolas Philibert par Frédéric Strauss, journaliste (47 mn)
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