Un conte fantastique dans les croisades
Et si des dragons avaient vécu au temps des croisades, interroge le scénariste ? Il expose, alors, son point de vue sur la situation qui en découlerait, son évolution, les conséquences induites par la présence de tels animaux.
En 1499, dans le désert arabique, Duncan et Jacopo arrivent dans la mythique vallée des dragons, le lieu où les femelles viennent pondre. Avec un œuf chacun, ils ont fortune faite car ils contiennent plusieurs dizaines d’embryons. Mais, parce qu’ils vont manquer d’eau pour le retour, Duncan l’Écossais assassine son compère, cache son œuf et part.
Les dragons portent en eux la dragonite, une pierre précieuse aux pouvoirs fantastiques. La chasse fait diminuer leur nombre de façon dramatique. Une rumeur qui parle d’un œuf de dragon rapporté à Antioche alerte l’Ordre des dragons qui dépêche Umas, sa meilleure dragonnière, pour le récupérer par tous les moyens. En Avignon, le pape, ayant aussi eu vent de cette nouvelle, lance une équipe de mercenaires pour se l’approprier.
Le deuxième tome s’ouvre sur un Léonard de Vinci qui, avec un élève, rassemble en un codex toutes les informations sur les dragons, une commande de César Borgia. Alors que Vinci s’en va après lui avoir présenté ses travaux, le Prince se met à étouffer, empoisonné par le vin qu’il buvait. Léonard, avec un peu de dragonite, lui sauve la vie.
Stali, une dragonnière qui, en Bourgogne, a perdu son animal, a été bannie de l’’Ordre. Elle vient aux Cinq Terres pour apprendre. Umas, entre-temps, est arrivée à Acre où les responsables locales sont atterrées. Les Maures ont repris leurs attaques et disposent de… dragons !
D’après le livre de l’Ordre, les dragons existaient avant les humains. Un des leurs gardait la porte de l’Eden où s’ébattaient Adam et Ève. Lorsqu’ils furent chassés, devant le désarroi de la femme, l’ange Drac lui vint en aide. Ils ont conclu un pacte qui donne aux seules filles d’Ève, qui garderaient leur virginité, la possibilité de les monter pour défendre la paix et l’ordre du monde.
Avec quelques arrangements historiques pour éviter des troubles dans l’intervention de personnages authentiques, Jean-Pierre Pécau décale les croisades. Les historiens s’accordent à en retenir neuf, la dernière se terminant en 1272, peu avant la prise de Saint-Jean d’Acre en 1291 par les Mamelouks.
Mais ces ajustements n’enlèvent rien à la qualité du récit qui, compte-tenu de son contenu, est mené avec une élégante cohérence et une belle vitalité. Le scénariste calque sur le monde méditerranéen une civilisation organisée et contrôlée par un Ordre qui dispose d’une arme redoutable pour convaincre. Il multiplie les difficultés pour ses héroïnes, introduisant des bannies qui veulent prendre leur revanche. Il met en scène un Borgia tel qu’on peut l’imaginer dans un cadre de licence historiquement prouvé.
Avec ce récit tonique, Léo Pilipovic tire des planches superbes au dessin réaliste, dynamique et d’une belle tenue. L’animation de scènes de batailles tumultueuses, de combats entre dragons qui s’inspirent des combats aériens modernes, donne des planches très agréables à regarder. Les décors jouent un rôle important dans la qualité des vignettes, les personnages étant à l’avenant, affichant une belle expressivité.
Le deuxième tome voit le dessin se partager entre Léo Pilipovic et Lajos Farkas alors que la mise en couleurs de l’ensemble est signée de Thorn.
Le récit doit se terminer dans un troisième tome à paraître au premier semestre 2020. Sans nul doute que ce dernier volet sera à la hauteur des deux premiers pour constituer une série attractive tant par le scénario que graphiquement.
serge perraud
Jean-Pierre Pécau (scénario), Léo Pilipovic (dessin) & Lajos Farkas (dessin), Thorn (Couleur), Le Dernier dragon – t.01 : L’œuf de jade & t.02 : Les cryptes de Dendérah, Delcourt, coll. “Terres de légendes”, janvier et septembre 2019, 64 et 56 p. – 15,50 et 14,95 €.