Le présent album, termine un second cycle qui se situe trois ans après le cataclysme. Les survivants ont tenté de se regrouper par affinités pour mieux résister et lutter contre la barbarie. Les conditions précaires de vie ont permis le développement de maladies, le retour à la vie sauvage d’animaux et… d’humains. Les frontières ont été fermées et, outre des groupes paramilitaires, c’est l’armée marocaine qui confine les poches humaines. Des hélicoptères larguent de temps à autres des vivres qui sont âprement disputés.
Jean-Christophe Chauzy fait vivre le quotidien des quatre principaux groupes qui occupent la zone. C’est ainsi que l’on retrouve, trois ans après, des jeunes du même âge qui ont trouvé refuge dans un centre de vacances haut perché, des adolescents autour d’un prêtre qui les entraîne à rechercher des âmes à secourir ou à châtier, des débauchés autour d’un chef et un groupe d’individus disparates logeant dans les carcasses, les débris.
Un violent orage et un séisme de forte amplitude ravagent une large région autour des Pyrénées. Les survivants errent parmi les décombres à la recherche des quelques biens restants. Tout est précieux aujourd’hui. Sur la zone, Marie, abandonnée par son époux, quitte le chalet détruit avec Hugo et Jules, ses deux fils adolescents. Au cours d’un premier cycle, les circonstances vont les séparer.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Christophe Chauzy ne fait pas dans la dentelle. Il dépeint une humanité qui n’a presque plus rien d’humaine. Ce qui mène les rescapés du cataclysme est un instinct de survie plus ou moins développé. Fini le vernis social, le respect de certains règles de vie en communauté. C’est le retour en force de la barbarie, la réunion en petits groupes qui agrègent des individus de même obédience ou qui s’allient, bon an mal an, pour faire corps face aux menaces.
Pour mettre en scène son récit, l’auteur place une partie d’un territoire en catastrophe et étudie les rapports que peuvent entretenir les survivants. Il s’attache à suivre des grappes de rescapés et les fait inter-réagir les unes par rapport aux autres lorsqu’il y a rencontre, et au sein du groupe, les relations qui s’installent autour d’un leader plus ou moins charismatique. Il offre une étude fine de ces liaisons entre membres.
Parmi les composantes de ces groupes, il s’attache à suivre le parcours de quelques individus, le cheminement dans ce désastre de Marie et de ses deux fils. Dans le présent tome, il fait revenir le père qui tente de retrouver sa famille.
Il décrit les situations, l’évolution de l’environnement compte tenu les destructions, de la fin de moyens d’information, de communication, la réaction des pays voisins, les épidémies. Il y a les animaux redevenus sauvages qui attaquent pour se nourrir. Il insiste sur ce point, car trouver de quoi manger et boire semble être le plus crucial dans un tel délabrement.
L’auteur montre les innombrables dangers en présence, l’homme n’étant pas le moindre. Il explore avec une justesse pointilleuse ce que peut devenir une zone où toute trace de civilisation a disparu. À travers ce récit, il évoque également le sort des migrants à la recherche d’un paradis, ou à défaut, d’un lieu où la vie est moins rude.
Si le texte et les péripéties sont d’une noirceur absolue, l’auteur laisse subsister, cependant, de l’espoir, la perspective de pouvoir se sauver de cet enfer et l’émergence de sentiments amoureux.
La mise en images de son récit est grandiose. Jean-Christophe Chauzy réalise des planches magnifiques, des pleines pages détaillées, montrant ce qui peut rester d’une société technologiquement avancé après un cataclysme. Il peint de véritables tableaux, mais n’hésite pas à montrer les détails sordides, mais si réels, les conséquences des maladies.
Les paysages enchantent, restant les éléments positifs. Les personnages, même s’ils semblent parfois figés, expriment cependant émotions et sentiments avec force.
Avec Les Enfers, Jean-Christophe Chauzy clôt de belle manière un second cycle. La teneur de la conclusion peut laisser supposer une suite.
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serge perraud
Jean-Christophe Chauzy (scénario, dessin et couleurs), Le Reste du monde – t.04 : Les Enfers, Casterman, octobre 2019, 120 p. – 18,00 €.