Jean-Christophe Chauzy, Le Reste du monde – t.04 : “Les Enfers”

Glaçant !

Le pré­sent album, ter­mine un second cycle qui se situe trois ans après le cata­clysme. Les sur­vi­vants ont tenté de se regrou­per par affi­ni­tés pour mieux résis­ter et lut­ter contre la bar­ba­rie. Les condi­tions pré­caires de vie ont per­mis le déve­lop­pe­ment de mala­dies, le retour à la vie sau­vage d’animaux et… d’humains. Les fron­tières ont été fer­mées et, outre des groupes para­mi­li­taires, c’est l’armée maro­caine qui confine les poches humaines. Des héli­co­ptères larguent de temps à autres des vivres qui sont âpre­ment dis­pu­tés.
Jean-Christophe Chauzy fait vivre le quo­ti­dien des quatre prin­ci­paux groupes qui occupent la zone. C’est ainsi que l’on retrouve, trois ans après, des jeunes du même âge qui ont trouvé refuge dans un centre de vacances haut per­ché, des ado­les­cents autour d’un prêtre qui les entraîne à recher­cher des âmes à secou­rir ou à châ­tier, des débau­chés autour d’un chef et un groupe d’individus dis­pa­rates logeant dans les car­casses, les débris.

Un violent orage et un séisme de forte ampli­tude ravagent une large région autour des Pyré­nées. Les sur­vi­vants errent parmi les décombres à la recherche des quelques biens res­tants. Tout est pré­cieux aujourd’hui. Sur la zone, Marie, aban­don­née par son époux, quitte le cha­let détruit avec Hugo et Jules, ses deux fils ado­les­cents. Au cours d’un pre­mier cycle, les cir­cons­tances vont les séparer.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Christophe Chauzy ne fait pas dans la den­telle. Il dépeint une huma­nité qui n’a presque plus rien d’humaine. Ce qui mène les res­ca­pés du cata­clysme est un ins­tinct de sur­vie plus ou moins déve­loppé. Fini le ver­nis social, le res­pect de cer­tains règles de vie en com­mu­nauté. C’est le retour en force de la bar­ba­rie, la réunion en petits groupes qui agrègent des indi­vi­dus de même obé­dience ou qui s’allient, bon an mal an, pour faire corps face aux menaces.
Pour mettre en scène son récit, l’auteur place une par­tie d’un ter­ri­toire en catas­trophe et étu­die les rap­ports que peuvent entre­te­nir les sur­vi­vants. Il s’attache à suivre des grappes de res­ca­pés et les fait inter-réagir les unes par rap­port aux autres lorsqu’il y a ren­contre, et au sein du groupe, les rela­tions qui s’installent autour d’un lea­der plus ou moins cha­ris­ma­tique. Il offre une étude fine de ces liai­sons entre membres.

Parmi les com­po­santes de ces groupes, il s’attache à suivre le par­cours de quelques indi­vi­dus, le che­mi­ne­ment dans ce désastre de Marie et de ses deux fils. Dans le pré­sent tome, il fait reve­nir le père qui tente de retrou­ver sa famille.
Il décrit les situa­tions, l’évolution de l’environnement compte tenu les des­truc­tions, de la fin de moyens d’information, de com­mu­ni­ca­tion, la réac­tion des pays voi­sins, les épi­dé­mies. Il y a les ani­maux rede­ve­nus sau­vages qui attaquent pour se nour­rir. Il insiste sur ce point, car trou­ver de quoi man­ger et boire semble être le plus cru­cial dans un tel déla­bre­ment.
L’auteur montre les innom­brables dan­gers en pré­sence, l’homme n’étant pas le moindre. Il explore avec une jus­tesse poin­tilleuse ce que peut deve­nir une zone où toute trace de civi­li­sa­tion a dis­paru. À tra­vers ce récit, il évoque éga­le­ment le sort des migrants à la recherche d’un para­dis, ou à défaut, d’un lieu où la vie est moins rude.
Si le texte et les péri­pé­ties sont d’une noir­ceur abso­lue, l’auteur laisse sub­sis­ter, cepen­dant, de l’espoir, la pers­pec­tive de pou­voir se sau­ver de cet enfer et l’émergence de sen­ti­ments amoureux.

La mise en images de son récit est gran­diose. Jean-Christophe Chauzy réa­lise des planches magni­fiques, des pleines pages détaillées, mon­trant ce qui peut res­ter d’une société tech­no­lo­gi­que­ment avancé après un cata­clysme. Il peint de véri­tables tableaux, mais n’hésite pas à mon­trer les détails sor­dides, mais si réels, les consé­quences des mala­dies.
Les pay­sages enchantent, res­tant les élé­ments posi­tifs. Les per­son­nages, même s’ils semblent par­fois figés, expriment cepen­dant émo­tions et sen­ti­ments avec force.

Avec Les Enfers, Jean-Christophe Chauzy clôt de belle manière un second cycle. La teneur de la conclu­sion peut lais­ser sup­po­ser une suite.

feuille­ter les 1ères planches

serge per­raud

Jean-Christophe Chauzy (scé­na­rio, des­sin et cou­leurs), Le Reste du monde – t.04 : Les Enfers, Cas­ter­man, octobre 2019, 120 p. – 18,00 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>