Christine

“Tu n’as jamais com­pris qu’une par­tie du rôle des parents, c’est d’essayer de tuer leurs gosses ?”

L’his­toire
Timide et mal­adroit Arnie achète une Ply­mouth Fury 1958, bap­ti­sée Chris­tine, une vieille voi­ture qu’il remet com­plè­te­ment à neuf. Plus sûr de lui, Arnie change radi­ca­le­ment de vie. Mais pos­sé­dée par un esprit dia­bo­lique, cette voi­ture a décidé de faire la vide autour de son propriétaire.

Furie métal­lique
A l’origine sep­tième roman de Ste­phen King paru en France en 1983, Chris­tine, ver­ti­gi­neuse des­cente dans le para­nor­mal reprise en main par John Car­pen­ter n’est pas un des plus grands films du Maître. L’horreur sourde que repré­sente la machine vivante et méchante n’est pour­tant pas des plus inin­té­res­santes. Sor­tie en 1958 des ate­liers auto­mo­biles de Detroit, la Ply­mouth « Fury » rouge sang ne tarde guère à mon­trer qu’elle porte bien son nom. La furie s’est d’abord abat­tue sur l’ingénieur de la fin de chaîne de mon­tage qu’elle blesse à la main parce qu’il a osé tou­cher son moteur ruti­lant, puis sur un autre ouvrier qui a eu l’impudence de las­ser tom­ber sa cendre de cigare sur sa belle ban­quette avant en cuir ver­millon. Le sang de la Ply­mouth ne fait qu’un tour, il faut croire, puisqu’ aus­si­tôt le fau­teur de trouble se met à asphyxier len­te­ment tan­dis que reten­tit, issu du poste radio qui s’est déclen­ché tout seul, un stan­dard de musique rock. Dix ans plus tard, à Rock­bridge, en Cali­for­nie, Arnie Cun­nin­gham, le souffre-douleur de son lycée que mal­mène la bande de voyous local, tombe en pâmoi­son en aper­ce­vant sur un ter­rain vague devant cette ruine rouillée à mort qu’il achète pour la somme de 250 $. En deux plans enchaî­nés se trouve scellé sous la caméra de Car­pen­ter le des­tin de Chris­tine : cette belle voi­ture, racée et sédui­sante, aime les sen­sa­tions fortes, les virées noc­turnes et le rock n’ roll des années soixante. Plus que tout, elle aime exter­mi­ner ceux qui se mettent en tra­vers de son che­min et qui acca­parent l’attention de son propriétaire.

Grâce à Arnie, bricoleur-né, elle reprend vie et roule bien­tôt… mais comme elle l’entend : elle cale sans motif puis bon­dit comme un fauve avec des grin­ce­ments qui res­semblent à des cris. A part son conduc­teur, qui se méta­mor­phose chaque jour davan­tage, et pas qu’en bien, per­sonne ne se sent bien dans cette voi­ture qui sue la méchan­ceté par tous ses pores et toute ses portes. En par­ti­cu­lier Leigh, la douce petite amie d’Arnie, qui est consi­dé­rée par la Fury comme une rivale à éliminer…

Petits arran­ge­ments entre monstres…
Il vaut la peine non­obs­tant de se pen­cher sur cette œuvre de Car­pen­ter, qui par­vient à mon­ter en quoi l’attachement porté par le lycée intro­verti à cette guim­barde en piteux état vaut comme un subli­ma­tion de son mal-être. Alors qu’il pour­rait s’opposer à la loi paren­tale en s’affichant avec une fille de son âge, Arnie se sert de Chris­tine comme du pré­texte idéal pour assu­mer, pour la pre­mière fois de sa vie, une « déci­sion auto­nome ». Manière de néga­tion de la sur­pro­tec­tion qu’exercent père et mère sur lui, qui passe notam­ment par le chan­tage à l’échec sco­laire. Et le retour sur inves­tis­se­ment psy­cho­lo­gique sera des plus féconds dans la mesure où c’est parce qu’il conduit Chris­tine que Leigh condes­cen­dra à sor­tir avec lui, tan­dis que tous les gar­çons, plus robuste et mûrs que lui, à com­men­cer par son meilleur ami Dennis,la convoitent vai­ne­ment ! Arnie le dit en plai­san­tant, lui qui tra­vaille comme un acharné chez le fer­railleur Dar­nell où il a déposé Chris­tine afin de la res­tau­rer : « Pour la pre­mière fois, j’ai trouvé quelque chose de moins moche que moi, et que je peux arranger ! »

Mais le spec­ta­teur a déjà com­pris ce qu’il en est : ce qu’a déni­ché le jeune homme en proie à l’âge ingrat, c’est un monstre qui va « arran­ger »à sa façon son conduc­teur en le ren­dant aliéné. Den­nis, qui enquête sur ce qu’il est advenu des pro­prié­taires pré­cé­dents de la Fury découvre avec hor­reur que ceucx-ci ont été retrou­vés avec leur petit fille, morts asphyxiés à l’oxyde de car­bone à l’intérieur de habi­tacle ; un étouf­fe­ment qui menace déjà Arnie, devenu arro­gant, vio­lente et soli­taire, habité bien­tôt par une aura malé­fique qui le rend dan­ge­reux aux yeux de tous…

…Ou com­ment tuer ses parents
Faille exis­ten­tielle attei­gnant son som­met lorsque, venu à l’hôpital voir Den­nis, blessé gra­ve­ment au foot lorsqu’il a vu Leigh embras­ser Arnie, ce der­nier affirme expli­ci­te­ment sa volonté de tuer ses parents, qu’il soup­çonne de refu­ser de le voir gran­dir, signe osten­sible de leur propre vieillis­se­ment : « tu n’as jamais com­pris, lâche-t-il du bout des dents devant Den­nis, qu’une par­tie du rôle des parents, c’est d’essayer de tuer leurs gosses ? » A elle seule, la for­mule, si emblé­ma­tique de l’univers kin­gien, a valeur d’anthologie. Elle en dit long en tout cas sur un cer­tain mal être de la famille amé­ri­caine du début des années 80. Sur­tout, elle nous ren­seigne sur les dégâts qu’a pro­vo­qué chez Arnie une édu­ca­tion qui ne lui a pas per­mis de trou­ver un sub­sti­tut d’accomplissement indi­vi­duel autre q’un objet rejeté par tous. Alors, obsédé, Arnie ? Envoûté Arnie ? Peut-être, plus sim­ple­ment, jamais vrai­ment inté­gré dans la sphère rela­tion­nelle et prêt, pour une fois, à aller jusqu’au bout de ses fan­tasmes d’autoréalisation. Un mot ici qui rime, suite à la ren­contre d’un « mau­vais esprit » au mau­vais moment au mau­vais endroit, avec autodestruction.

Aussi, lorsque les voyous qui le har­cèlent d’habitude détrui­ront par jalou­sie son véhicule-transfert, Arnie se joindra-t-il à Chris­tine en une com­mu­nion sab­ba­tique pour accom­plir sa ven­geance. Soif de repré­sailles et goût du sang qui l’amèneront à la confron­ta­tion finale avec Den­nis et Leigh, les der­niers êtres chers à ses yeux… Si le roman légen­daire de Ste­phen King, rythmé par la musique de Chuck Berry et de Janis Joplin, a pris place dans les clas­siques de l’épouvante, curieu­se­ment, il n’en a pas été de même avec l’adaptation de Car­pen­ter. Faute en est moins aux spec­ta­cu­laires scènes de traque des voyous par la voi­ture, ou encore aux réno­va­tions spon­ta­nées dont celle-ci est capable qu’ au contexte des années 70 qui n’est pas des plus sti­mu­lants et à un cas­ting assez som­maire. De ternes décors que ne rehausse en rien les bonus de ce dvd — déjà des­servi, soulignons-le par qua­si­ment une faute d’orthographe ou de gram­maire dans la bande de sous-titrage de chaque séquence ! — puisque Gau­mont ne nous offre en tout et pour tout qu’un cha­pi­trage et une filmographie.

Autant dire qu’il ne faut pas comp­ter là-dessus pour se faire une idée plus juste de la manière dont Car­pen­ter reçut et inter­préta en son temps le roman de King. Pour s’interroger par exemple sur le dépla­ce­ment de Liber­ty­ville, en Penn­syl­va­nie à Rock­bridge, en Cali­for­nie etc. Cela étant, rien n’empêche cha­cun de com­pa­rer le texte d’origine et le scé­na­rio, ni de vision­ner les mythiques appa­ri­tions de la Ply­mouth en feu, ser­vies par une bonde ori­gi­nale du ton­nerre de …diable !

fre­de­ric grolleau

Chris­tine

Réa­li­sa­teur : John Car­pen­ter Avec : Keith Gor­don, John Sto­ck­well, Alexan­dra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stan­ton, Chris­tine Bel­fordDate de paru­tion : 26 mars 2002 Edi­teur : Gau­mont Colum­bia Tris­tar Home Video Zone 2 Ori­gine : France PAL Image : 2.35:1 Dolby Digi­tal 1.0 Mono Autres langues : Fran­çais, Alle­mand, Espa­gnol, Ita­lien Sous-titres : Fran­çais, Anglais, Alle­mand, Polo­nais, Tchèque, Hon­grois, Hindi, Turque, Arabe, Danois, Sué­dois, Finois, Islan­dais, Néer­lan­dais, Nor­vé­gien, Por­tu­gais, Grecque, Hébreu, Espa­gnol, Italien

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