Projeter dans un médium plastique un peu de la vision abstraite et universelle de la beauté
En collaboration avec la Tate Gallery de Londres, le Musée Rodin présente l’œuvre de Barbara Hepworth (1903–1975), figure majeure de la sculpture du XXe siècle. Toujours méconnue en France, elle a côtoyé Arp, Calder, Henry Moore, Picasso ou Mondrian. Elle a révolutionné la sculpture et fait émerger une nouvelle sensibilité minimaliste.
Ses œuvres abstraites sont aussi pures, parfaites et poétiques. Elles le font l’égal de celles de Brancusi. Mais son statut de femme l’a rejetée loin de la notoriété de l’artiste roumain.
La jeune femme partit étudier en Italie où elle apprit les techniques de la taille auprès d’un maître sculpteur italien. A Florence, elle épouse le sculpteur et peintre figuratif anglais John Skeaping (1901–1980) dont elle aura un fils en 1929. De retour en Angleterre, le couple expose ensemble : tout d’abord dans leur atelier londonien, puis dans différentes galeries à Londres.
Les œuvres d’Hepworth sont alors figuratives. Elle rencontre, en 1931, le peintre et graveur britannique Ben Nicholson, autre initiateur de l’art abstrait, pour lequel elle quitte son mari
Elle expose avec le groupe Abstraction-Création “Unit-One” au Salon Réalités Nouvelle et défend une sculpture moderne pour un monde nouveau. Elle énonce aussi ses idées dans de nombreuses revues. Âgée seulement de 32 ans, elle rentre au MoMA de New York qui lui achète “Discs in Echelon” (1935), épure parfaite de deux disques décalés et identiques placés sur une base.
Après la fin de la guerre, Hepworth rencontre un véritable succès international et les expositions, commandes, rétrospectives et distinctions se succèdent jusqu’à sa mort. On lui doit notamment “Single Form” (1964), pièce monumentale percée dans sa hauteur d’un trou circulaire, située devant le Secrétariat des Nations unies à New York.
Le musée Rodin fut l’un des rares lieux en France à l’avoir exposée pendant sa vie. Et cette nouvelle exposition devient une sorte de rétrospective d’envergure. Elle permet d’avoir une vue d’ensemble de sa carrière et de son oeuvre sculptée peinte et dessinée, ainsi qu’un aperçu de ses méthodes de travail. De nombreuses archives inédites complètent le parcours et permettent de redécouvrir un art biomorphique image d’un monde idéal et pacifique, en harmonie avec la nature.
De telles épures oscillent entre formes concaves et convexes, le vide et le plein avec des surfaces lisses. La création s’oppose aux mondes du pathos, de la construction ou de l’univers machiniste. Son objectif émis dès 1934 demeura son leitmotiv : « projeter dans un médium plastique un peu de la vision abstraite et universelle de la beauté ».
jean-paul gavard-perret
Barbara Hepworth, Musée Rodin du 5 novembre 2019 au 22 mars 2020.