Sans concessions
Dans ce qui tient d’une autobiographie vivante, la photographe regarde au-delà des façades du réel sa propre vie. La série, qui s’étend sur sept ans, propose une descente au coeur de l’intime. Colorées, ces photos témoignent pourtant d’une forme de noirceur. S’y constate le passage du temps sur le propre corps de la photographe au moment où celui-là perd sa fertilité.
La série fait écho à ses peintures abstraites réalisées avec son propre sang et rappellent parfois les travaux d’Ana Mendieta.
Portraits et autoportraits dessinent une vision qui prolonge ses travaux antérieurs : « Closer », « Crisis » et « Mother ». Se retrouvent là son compagnon, ses enfants, ses parents vieillissants. Les prises se veulent tendres mais demeurent impitoyables tout autant. L’indépendance croissante de ses enfants, la perte de son propre utérus à laquelle elle a été confrontée créent chez la photographe ce qu’elle nomme dans la postface de son livre “une manière particulière, très proche - presque scientifique - de voir”.
Tout est à la fois proche, familier mais presque inquiétant. Il n’y a là aucun sourire qui dépasse ou apparaît.
La nudité n’opère pas une formulation de l’éros mais une forme de dépouillement douloureux — parfois avec un seul cheveu gris isolé de la tête. Par l’intime émerge un rappel à l’universalité et la non réversibilité du temps au moment où l’artiste aborde le vieillissement, la dévalorisation des corps.
Là où même les conventions de la beauté juvénile sont révisées dans une radicalité impressionnante.
jean-paul gavard-perret
Elinor Carucci, Midlife, The Monacelli Press & Fifty One Too Gallery, Anvers du 7 décembre 2019 au 1er février 2020.