Julie Wolkenstein, Et toujours en été

Puzzle spatio-temporel

L’été dont il est ques­tion ici n’est pas for­cé­ment une sai­son mais un état. Il s’inspire des “escape games”, ces jeux vidéos dans les­quels les par­ti­ci­pants s’introduisent dans un lieu. Ils l’explorent pour décou­vrir des indices qui leur  per­mettent d’avancer pour trou­ver les secrets d’une his­toire qui pour­rait bien être celle de la nar­ra­trice.
A l’inverse du jeu,  le livre  est moins un moyen de com­mu­ni­quer un sens que de l’inventer. Car, à l’inverse du jeu pro­pre­ment dit qui n’est qu’une forme de mau­vais lan­gage, ce roman ne trans­met pas de sens : il le crée. La fic­tion ne se réduit donc pas à  la com­mu­ni­ca­tion qui n’est qu’un moyen remplaçable.

Le jeu tel qu’il est repris par l’écriture se trans­forme avant tout en un texte qu’on aime lire et fré­quen­ter. Le roman devient ori­gine et objet d’une dyna­mique de la sen­si­bi­lité. C’est ce qui pas­sionne l’auteure et qui per­met l’éclosion de toute la diver­sité des lumières et non la déli­vrance d’un mes­sage. Au-delà du jeu, les images sont reflé­tées et trans­mu­tées par le texte.
Il reste émet­teur de clarté, de lumière secrète. Celle d’une vie encom­brée, d’un endroit à l’autre, de sou­ve­nirs et de fan­tômes. Dont celui du père, du frère (les deux dis­pa­rus). Et la nar­ra­trice s’adresse aux lec­teurs pour les entraî­ner dans un puzzle spatio-temporel où tout un monde res­sur­git par la réac­ti­vité des souvenirs.

La lit­té­ra­ture elle-même devient en consé­quence  le sujet du livre. Car si l’auteure part d’un endroit et de temps pas­sés, c’est pour les défor­mer et pro­vo­quer non leur réap­pa­ri­tion mais leur inter­pré­ta­tion sous la ban­nière d’un jeu qui — contrai­re­ment à ce qu’il est nor­ma­le­ment — n’enferme pas dans un car­can.
Il per­met à l’écriture de s’éloigner de toute théo­rie cas­tra­trice et de fonc­tion­ner autre­ment afin d’atteindre les régions secrètes essen­tielles de l’être tout en répon­dant à l’idée que l’auteure se fait de la littérature.

jean-paul gavard-perret

Julie Wol­ken­stein, Et tou­jours en été, P.OL. édi­teur, 2020, 224 p. — 18,00 €.

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