L’été dont il est question ici n’est pas forcément une saison mais un état. Il s’inspire des “escape games”, ces jeux vidéos dans lesquels les participants s’introduisent dans un lieu. Ils l’explorent pour découvrir des indices qui leur permettent d’avancer pour trouver les secrets d’une histoire qui pourrait bien être celle de la narratrice.
A l’inverse du jeu, le livre est moins un moyen de communiquer un sens que de l’inventer. Car, à l’inverse du jeu proprement dit qui n’est qu’une forme de mauvais langage, ce roman ne transmet pas de sens : il le crée. La fiction ne se réduit donc pas à la communication qui n’est qu’un moyen remplaçable.
Le jeu tel qu’il est repris par l’écriture se transforme avant tout en un texte qu’on aime lire et fréquenter. Le roman devient origine et objet d’une dynamique de la sensibilité. C’est ce qui passionne l’auteure et qui permet l’éclosion de toute la diversité des lumières et non la délivrance d’un message. Au-delà du jeu, les images sont reflétées et transmutées par le texte.
Il reste émetteur de clarté, de lumière secrète. Celle d’une vie encombrée, d’un endroit à l’autre, de souvenirs et de fantômes. Dont celui du père, du frère (les deux disparus). Et la narratrice s’adresse aux lecteurs pour les entraîner dans un puzzle spatio-temporel où tout un monde ressurgit par la réactivité des souvenirs.
La littérature elle-même devient en conséquence le sujet du livre. Car si l’auteure part d’un endroit et de temps passés, c’est pour les déformer et provoquer non leur réapparition mais leur interprétation sous la bannière d’un jeu qui — contrairement à ce qu’il est normalement — n’enferme pas dans un carcan.
Il permet à l’écriture de s’éloigner de toute théorie castratrice et de fonctionner autrement afin d’atteindre les régions secrètes essentielles de l’être tout en répondant à l’idée que l’auteure se fait de la littérature.
jean-paul gavard-perret
Julie Wolkenstein, Et toujours en été, P.OL. éditeur, 2020, 224 p. — 18,00 €.