Dans ce “songe d’une nuit d’hiver” mais qui n’est pas qu’un rêve, Christian Bobin raconte comment s’est passé le temps second où “ce n’est déjà plus le néant” et qu’une résurrection a lieu. Cette découverte ne pouvait manquer d’avoir lieu.
Le livre du coeur est son aboutissement.
Existe un voyage d’hiver autant d’outre-monts qu’outre-monde, entre Le Creusot et Sète. Il était prévu depuis longtemps d’autant que Soulages est pour Bobin le peintre phare, voire le seul maître et une sorte de second père. D’où et par exemple cet aveu : “Je suis, Pierre, le sauvage de tes peintures, celui qui achève ton geste”.
On ne peut pour autant taxer le poète de flagornerie ou de prétention.
D’autant que si le noir et son “outre” de Soulages brillent de ses feux, ce livre est aussi celui du père de l’auteur jadis ingénieur chez Schneider. Bobin sait que pour bien voir il faut “toujours un peu d’obscur” et une sorte de “noireclair”.
Dès lors, le père ne fait pas d’ombre au peintre — pas plus que le second au premier .
L’usage de la parole poétique maintient donc et à la fois l’oeuvre de Soulages et la présence du père. Petit à petit, l’auteur rassemble dans ses “laisses” ceux qu’il ne peut séparer. Il n’y a personne d’autres qu’eux ici. Leurs images s’installent loin des faux-semblants.
Le texte espère de divines espérances aux moments où l’auteur se prête au noir d’y voir. Ce dernier fait ce que les mots ne font pas : la lumière.
jean-paul gavard-perret
Christian Bobin, Pierre, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019, 98 p. — 14,00 €.
Les mots de JPGP font la lumière sur la dernière séance de Bobin et Soulages qu’on ne saurait bien voir sans addenda du critique pluricultivé .