Un polar prenant, si l’on dépasse les 50 premières pages
Avec un titre digne d’un Harlan Coben, champion absolu en matière de ventes de polars, Linwood Barclay revient avec son troisième roman traduit en français. Comme tout thriller qui se respecte, Ne la quitte pas est riche en suspens et en retournements de situation, autour d’un scénario solide et bien ficelé, servi par un personnage principal crédible et attachant.
David Harwood est journaliste pour une rédaction locale et enquête sur un possible réseau de corruption massive. Depuis quelque temps, sa femme Jan se montre irascible et déprimée. Il se réjouit donc de la journée qu’ils ont prévu de passer avec leur fils de quatre ans, Ethan, au parc d’attraction de Five Mountains. Malheureusement, cette sortie prometteuse se transforme vite en cauchemar, avec la disparition d’Ethan, suivie de celle de Jan. David entame, d’abord aidé par la police puis malgré les soupçons qui pèsent sur lui, une enquête qui le conduit dans le passé de celle qui partage sa vie depuis cinq ans. Secrets, mensonges, trahison.
Sur un sujet que l’on pourrait qualifier d’éculé — nos proches sont ceux que nous connaissons le moins — Linwood Barclay parvient élégamment à tenir son lecteur en haleine. Après une mise en place un peu lente et longuette, les événements s’accélèrent et le rythme prend son envol. On tourne goulument les pages jusqu’à un final qui ne déçoit pas.
Le plus, fait assez rare dans les polars classiques dont fait partie cet opus, un constat en forme de critique acerbe des difficultés auxquelles se confronte le monde de la presse — Linwood Barclay est bien placé pour en parler, puisqu’il officia comme journaliste pendant plusieurs dizaines d’années au Toronto Star -, entre corruption, manque de moyens, baisse des exigences, délocalisation de l’information et aseptisation.
Du point de vue du style, notons le choix d’alterner une narration interne (le « je » de David) et externe (le narrateur omniscient), qui offre un double point de vue, judicieusement orchestré par l’auteur. Et le secondaire, qu’il soit intrigue ou personnages (les parents de David, le policier), sert admirablement le principal, l’ourlant d’intensité, l’épaississant de véracité.
agathe de lastyns
Linwood Barclay, Ne la quitte pas des yeux, coll. “Belfond Noir”, Belfond, février 2011, 496 p. — 21,50€