Des orphelins dans la Grande Guerre…
Les Lulus sont cinq, une fille et quatre garçons. Ils ont tous des prénoms commençants par Lu. Les garçons sont orphelins et la fille, de nationalité belge, est une réfugiée. Leurs aventures font l’objet d’une série dont le sixième tome est paru en novembre 2019 sous la plume de Hardoc. Parallèlement, le scénariste développe une aventure du groupe racontée par Luigi, l’un des membres, avec Damien Cuvillier au crayon.
Luigi est producteur de confitures artisanes à Amiens. Un historien, qui cherche les témoignages de Français ayant séjourné en Allemagne pendant la Grande Guerre, est orienté vers lui. Il lui raconte que le petit groupe d’enfants s’est retrouvé là-bas parce qu’il voulait fuir la guerre, aller en Suisse. Ils sont arrivés à… Berlin. Après de nombreuses péripéties, ils sont capturés par la police.
En juin 1937, l’historien retrouve Luigi pour la suite du récit, quand ils arrivent au camp de détention de Holzminden. Luce est déjà là, enfermée dans la partie réservée aux femmes.
Ils sont accueillis par Onésime Decombray qui sert d’intermédiaire entre les gardiens et les prisonniers. Très vite, la bande comprend que l’homme ne cherche qu’à apaiser les tensions, prenant alors le parti des soldats. Ils se lient avec Jules et Victor, qui sont considérés par Onésime comme des voyous.
Mais la vie du camp leur pèse et ils cherchent le moyen de s’évader. Après une première tentative qui échoue, ils échafaudent, avec l’aide de Joseph, un vieux prisonnier, un plan qui paraît imparable bien que difficile à mettre en œuvre. Puisqu’il n’est pas possible de franchir les enceintes au niveau du sol, ni par dessous, pourquoi pas essayer par-dessus…
Si la série suit un ordre chronologique, ce diptyque permet au scénariste de proposer une aventure qui s’affranchit de celui-ci. Le récit de cette péripétie, quelques décennies plus tard, est plaisant car il permet de mesurer ce que deviennent les jeunes gens en vieillissant, de voir comment ils évoluent. Luigi qui était un garçon un peu enveloppé est devenu producteur de confitures et se retrouve à Amiens, lieu de prédilection du scénariste.
La partie du récit qui se déroule en 1937 a pour décor les Hortillonnages, un lieu, il est vrai, rarissime en France, des marais exploités en maraîchage si proches d’une grande ville. Amiens est également célèbre pour être la ville de… Jules Verne. Et un point de départ de l’intrigue du présent album rappelle une histoire célèbre de l’écrivain.
Après avoir fait visiter les bas-fonds de Berlin, Régis Hautière propose la vie dans un camp de prisonniers et sa galerie de personnages qui mêle une belle variété de couches sociales. Il donne, avec ces protagonistes, la quasi étendue des comportements que l’on peut trouver dans une telle situation. C’est Damien Cuvillier qui reprend les personnages créés par Hardoc et qui leur donne, outre une ressemblance de bon aloi, une énergie, une mobilité et une expressivité bien réussies.
Les cadres et les décors sont fort bien rapportés que ce soit dans le camp ou dans les hortillonnages.
La Perspective Luigi se révèle une bonne surprise avec les aventures pleines de surprises de ces jeunes gens particulièrement attachants.
serge perraud
Régis Hautière (scénario), Damien Cuvillier (dessin) & David François (couleurs), La Guerre des Lulus — La Perspective Luigi : 2/2, Casterman, septembre 2019, 64 p. – 13,95 €.