Guylaine Monnier est enseignante et auteure. Elle publie régulièrement textes courts et poésies en revues ou anthologies. Elle est auteure de deux romans et anime des ateliers d’écriture pour des publics variés. Elle publie en décembre un recueil de poésies Un jour demain, illustré par Pierre Lebas, puis un recueil de prose poétique dans la revue littéraire “Daïmon”.
Pour l’auteure, la notion d’Un est équivoque. Tout comme les concepts de dehors et de dedans. Le principe de ses œuvres est toujours actif, premier, drôle et incisif. Il englobe aussi ce qu’on nomme généralement rêve et réalité. C’est — pour une telle créatrice — comme si un axe de lumière traversait tout le corps depuis le sexe jusqu’au cerveau. Cette trajectoire intègre le diurne et le nocturne. Dans ce dernier, on enferma jadis les femme pour en faire des sœurs cloîtrées ou des femmes soumises. Mais l’auteure s’est dégagée du risque d’un tel piège pour créer un mixte du charnel et du spirituel, du désir et de la pensée, de l’érotique et du noétique.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Réveil école.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des trampolines dans le jardin – je n’ai pas de jardin –, mais les trampolines ont la peau du ventre bien tendue.
A quoi avez-vous renoncé ?
À la somme immédiate de tout ce que je suis.
D’où venez-vous ?
Mimosa, chèvrefeuille, laurier, olivier, lavande, figuier, mûrier, arbousier…
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La curiosité. L’absence l’oubli.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
“Mange des chocolats, fillette ; mange des chocolats ! Dis-toi bien qu’il n’est d’autre métaphysique que les chocolats”, Bureau de tabac, Fernando Pessoa.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Confondante question à laquelle je ne peux avoir la prétention de répondre.
Comment définiriez-vous le rapport du texte et de l’image dans votre travail ?
Le rapport à l’image est fondamental dans mon travail, que ce soit dans mes romans (au travers l’art, ou les représentations), en multimédia, ou bien en poésie. J’aime aussi l’idée de prendre en compte la dimension formelle d’un espace textuel. Il est donc aussi question de contraintes – du texte, du texte & de l’image s’ils sont combinés, ou du médium qui le/les reçoit. Je collabore régulièrement avec des artistes (illustrateurs, photographes, vidéastes…) pour un dialogue entre texte et image, où celle-ci dépasserait le simple statut illustratif.
J’ai été commissaire d’exposition en arts numériques / net-art (Centre Pompidou) et ai oeuvré dans ce champ artistique pendant 10 ans. Ce sont des questions très actuelles liées aux pratiques nées des NTIC, qui ne me sont pas, de fait, étrangères.
Et comment définiriez vous votre rapport à l’écriture érotique ?
Souvent, j’aime mêler plusieurs niveaux de lecture, pourquoi pas celui du désir érotique ou de la sensualité. C’est alors une écriture de l’élan. Simple et concise, je crois. C’était le cas de ma performance ~~Je peux pas j’ai piscine~~ sur Facebook. J’incarne cette énergie, lorsque l’écriture est jaillissement… bien que j’aime tout autant lorsqu’elle se retire sur elle-même, esquissant, évoquant, et qu’elle dit alors ce dont elle ne semble pas parler, ou bien ce que chacun choisira d’y lire.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Enfant, une image de quelques centimètres, l’illustration d’un tableau représentant Chateaubriand de trois-quarts, ébouriffé. L’idée d’un vent fort, hauteur de falaise (absente du tableau), qui a dû suffire à l’époque pour me faire conserver le cliché dans une boîte à malices (ou à premiers émois).
Et votre première lecture ?
Mon bel oranger, de José Mauro de Vasconcelos, ou peut-être L’enfant, de Jules Vallès.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Longue portée qui irait de Frehel à Wu-Tang-Clan, en passant par Feu! Chatterton, Brassens, Bashung, Billie Holiday, Chopin etc.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’aime pas relire les livres, ni revoir les films. Contrairement à la poésie, qui se parcourt à nouveau.
Quel film vous fait pleurer ?
“Alabama Monroe”, par exemple. “21 grammes”, je crois.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je suis une femme je suis un Homme.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Boris Vian.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Kyoto. Un mas de Provence cerné de vignes à Porquerolles. Lisbonne, ville aux sept collines : on parle d’une déesse serpent, Ulysse l’abandonne, elle aurait dans sa douleur et sa rage fait jaillir les sept collines. À peu près ça…
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Pina Baush, Cindy Sherman, Sophie Calle…, Blanchot, Ponge, Camus, Vian, Desnos, Perec, Breton, Barthes, Quignard…, Caravage, Edward Hopper, Rodin… et tant de cinéastes ou photographes.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
La présence.
Que défendez-vous ?
Un goût de chlorophylle.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Voler pour donner n’est que voler, on finit toujours par atterrir, qu’on le veuille ou non.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je me suis fait la même réflexion ce matin en ouvrant le réfrigérateur.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Oui, dirait W. Allen. Mais quelle était la question ? Écrire ? La question était Écrire ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 1er décembre 2019.
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