Olivier Rolin touche vraiment à la littérature loin des “musées à soi” ou de l’ennui que crée l’abstraction des mots. Ses souvenirs ne sont pas de simples couronnes mortuaires issues de ses carnets. L’ex-combattant révolutionnaire, les repiquant, feint de tirer provisoirement sa révérence sans chercher à raconter sa vie.
Il s’agit de tout brouiller dans un chaos qui passe de Nabokov à Kafka via des curés croates.
Certes, une archéologie et un ordre se croisent là où les femmes gardent une importance majeure. Mais un tel magma ne possède rien de verbeux. Il y a là une mosaïques d’éléments et de visages tirés du monde et revisités par une intériorité. C’est une suite de fugues plus structurées qu’il n’y paraît car en un tel bordel tout se tient. L’incarnation de la littérature passe par ce qui fait le lit d’un essai autobiographique volontairement boiteux ou un codex de lui-même. Dans cette démarche, les mots prennent le dessus sur la narration.
En un tel musée de curiosité tout s’écarte des normes par la liberté de structure. Le biographique se forme et se déforme en subdivisions intempestives. Tout bascule mais se retrouve chez ce séducteur de culture livresque mais qui n’est jamais mangé par qui il est. Le tout sans chercher à offrir une parfaite identité. Bien au contraire.
Restent juste des pistes, des indices. Au lecteur d’en trouver le sens au milieu des chevelures des femmes. Mais pas seulement. L’oeuvre suit son cours là où tout est vrai.
Un seul détail est inventé : celui d’une contravention absurde dans une île perdue des Açores dont le règlement aurait fini par un verre que l’auteur n’a jamais partagé.
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jean-paul gavard-perret
Olivier Rolin, Extérieur monde, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019