James Joyce, Jim

“Délyre” amou­reux

Long­temps les lettres sul­fu­reuse et por­no­gra­phiques de James Joyce res­tèrent “mortes” pour les lec­teurs. Il fal­lut attendre Sol­lers et “Tel Quel” pour qu’elles sortent du registre de l’intime. Auraient-elle dû le res­ter ? Cer­tai­ne­ment pas car sou­dain la lit­té­ra­ture prend du corps et de la volupté — fût-ce par lettres inter­po­sées.
Celles publiées par les Edi­tions de la Salle de bains le prouvent et rap­pellent qu’avant les réseaux sociaux les lettre d’amour qui étaient cen­sées ne pas s’écrire fai­saient leur che­min. D’autant que la sage Nora répond aux attentes de son émis­saire : “Il y a un joli mot, mon amour, que tu as sou­li­gné pour me faire mieux m’astiquer. Écris-moi encore sur ce sujet et sur toi, ten­dre­ment, et plus sale­ment, plus salement. ».

Les mots dans leur “ça-lace” pro­duisent dif­fé­rents accès à l’intimité — côté pile comme côté face. Tur­ges­cences et péné­tra­tions, évo­ca­tions sca­to­lo­giques sur­prirent sous la plume de celui qui, en ombre por­tée de Blake, était auréolé de la sain­teté accor­dée aux écri­vains d’exception.  L’odeur du sacré  fut rem­pla­cée par des miasmes sul­fu­reux tant d’autres éma­na­tions émer­geaient sou­dain de cette cor­res­pon­dance hard-core” avec sa “péteuse” .
Certes, il arrive que dans ces lettres Joyce nuance par­fois ses pro­pos. Au sein d’une plé­thore d’évocations sca­breuses (c’est presque un euphé­misme), il déclare : “ce n’est pas le désir bes­tial pour ton corps qui m’attire vers toi. Ce n’est pas cela du tout”. Mais la lettre de “Jim” n’est pas loin de prou­ver le contraire. Agé de 25 ans, et en dépit de son appel à la tem­pé­rance, l’auteur de Dubli­ners veut tou­jours faire “plus et sale”. Et le mys­tère dont parle la voix en repons”  le “dit” par bien des orifices.

Tout se passe comme si accep­ter la règle de l’obscène deve­nait la manière à cas­ser un “éthos” rigo­riste ascé­tique dans lequel Nora et lui étaient immer­gés dans l’Irlande sévère et prude. Joyce trouva un exu­toire, un défou­loir, un cri total d’amour et un moyen radi­cal de dire ce qui dans Ulysse pren­dra certes une forme moins “ouverte” mais tout autant conton­dante.
Et Nora ne fut pas en reste dans cet échange. Bien au contraire.

jean-paul gavard-perret

James Joyce, Jim, Edi­tions Der­rière la salle de Bains, Rouen, 2019.

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