Lutter contre la novlangue appauvrie
Parmi les changements de plus en plus rapides qui affectent nos relations sociales, ceux qui concernent le statut de la parole et du langage ne sont pas les moindres. L’écrit prend même un statut particulier de novlangue appauvrie. Face à cette maladie infantile, Pérec a inventé divers subterfuges.
Pour preuve ce What a Man ! Il s’agit d’un monovocalisme : la seule voyelle autorisée est le « a ». D’ailleurs, l’auteur signa le livre sous le nom de Gargas Parac. Le texte se compose de trois parties : prologue, flash-back et épilogue des aventures d’un « crack pas bancal, as à la San A » alias d’Armand d’Artagnan, bretteur devant l’éternel et qui mit bas (entendons à terre) le fier-à-bras Andras Mac Adam pour l’assassinat d’un Max van Zapatta avant qu’un « banal anthrax nasal » le fasse passer de OK Corral à K. O., d’où le chaos.
Face à la perte de sens que les discours médiatiques opèrent, Perec revient à sa langue particulière dans un jeu qui est accompagné ici d’un apparat critique un peu superfétatoire de Marcel Bénabou. Car il faut se laisser faire moins par les significations que par la matières des mots que l’auteur des Choses propose.
Se retrouve ici la plus belle armoire à pharmacie mentale. Les molécules verbales réparent bien des désordres. Il n’existe plus de rapport pathologique au langage.
Pérec prouve que, s’il n’y a pas de parole sans demande, toute demande sans frustration est générée par ce qui reste sans réponse. Et à sa manière, il rebondit sur cette quadrature afin que les mots vivent leur vie.
jean-paul gavard-perret
Georges Pérec, What a man !, Le Castor Astral, 2019, 88 p. — 14,00 €.