Meurtres et intrigues au cœur de la guerre des Deux Roses
Ce volume est premier volet d’une nouvelle série de romans historiques dont l’héroïne est Margaret Beaufort, la mère du futur roi Henri VII, pendant la guerre des Deux Roses. Il s’agit d’un épisode célèbre de l’histoire anglaise, une guerre civile qui a ravagé le pays vers la fin de la féodalité, opposant deux maisons pour la possession du trône. Paul Doherty place le premier épisode de sa nouvelle série à une période charnière quand les York sont sur le point de triompher.
Edouard a battu l’armée des Lancastre à Barnet et quand débute le présent récit, c’est la bataille de Tewkesbury qui oppose les York à l’armée de Marguerite d’Anjou, La Louve angevine, l’épouse du roi Henri VI fait prisonnier et enfermé à la Tour de Londres. Tous les Lancastre sont traqués sans pitié.
En 1471, le 4 mai, la bataille fait rage à Tewkesbury, près de l’abbaye bénédictine. Là, dissertent trois moines. Ils sont surnommés Les Rois Mages et sont les âmes damnées de George de Clarence, le frère pourri d’Édouard d’York qui entend régner sous le nom d’Édouard IV. Dans les lieux se trouvent également Margaret Beaufort, comtesse de Richmond, accompagnée de Reginald Bray, l’intendant de sa maison et Christopher Urswicke, le clerc de sa chancellerie. Dehors, l’armée des York défait ce qui reste de l’armée des Lancastre, celle-ci déjà bien affaiblie lors de la bataille de Barnet, presque trois semaines plus tôt. Les survivants se précipitent dans l’abbaye, les York se précipitant sur leurs pas pour les occire. Le prieur s’interpose et fait valoir le côté sacré des lieux, leur obtenant un sursis.
Margaret, bien que affiliée aux Lancastre, se trouve sous la haute protection des Stafford et de leur chef le duc de Buckingham par son mariage avec Sir Humphrey. Mais elle veut que son fils unique, le fils qu’elle a eu avec Edmond Tudor, puisse un jour accéder au trône. Christopher rejoint Maucler, un écuyer des plus sinistres du duc de Clarence. Et l’écuyer déclare que le roi, comme ses frères : “…est décidé à arracher les racines pourries des Lancastre et à jeter cet arbre abattu dans les feux de l’histoire.” Et Christopher acquiesce… Mais, quand dans une auberge londonienne, les Rois Mages et un quatrième individu sont retrouves égorgés, Margaret est la première à être soupçonnée…
Avec un art consommé de l’intrigue, Paul Doherty entremêle faits historiques et éléments de fiction de belle manière pour un tout parfaitement cohérent. Il donne des descriptions saisissantes des exécutions, des meurtres, des simulacres de procès, les acteurs des complots et les ruses employées pour parvenir à leurs fins.
Il conçoit un quadruple meurtre en chambre close mettant en péril son héroïne. Celle-ci est effectivement en danger malgré la protection de la famille à laquelle elle appartient par son mariage et par le fait que son époux se meurt des blessures reçues à la bataille de Barnet où il a combattu sous les couleurs des York.
Si la série repose sur les jolies épaules de Margaret, le personnage principal de cet opus est, sans conteste, Christopher Urwicke, ce clerc attaché à la maison de la comtesse et qui grenouille de belle manière entre les deux factions sans que l’on sache vraiment de quel bord il est. La description des frères York, leurs attitudes et les faits donnent une idée de ce que pouvait être la course au pouvoir.
Nourrie de mille détails, souvent peu ragoûtants, l’intrigue richement documentée que développe Paul Doherty capte l’attention. Il réussit à faire identifier assez facilement des personnages différents qui portent le même nom. L’imagination pour nommer les enfants n’était pas au pouvoir à cette époque.
Avec La reine de l’ombre Paul Doherty offre un roman passionnant, plongeant dans cette guerre civile, sachant jouer du suspense, générer la tension dans un monde dangereux et violent où tout le monde joue double-jeu, car la trahison règne en maîtresse, semble-t-il, particulièrement à cette période.
serge perraud
Paul Doherty, La reine de l’ombre (Dark Queen Rising), traduit de l’anglais par Christian Poussier en collaboration avec Nelly Markovic, Éditions 10/18, coll. “Grands détectives”, octobre 2019, 306 p. – 14,90 €.