Ecorchée vive, la Suissesse Marie Lise Rossel est une photographe d’exception . Elle développe un mélange de genres. Le tout sur une trame autobiographique et a priori muette. Ses clichés sont des histoires vraies mais en beaucoup mieux. Elle connaît divers mondes et à travers eux construit son univers avec intelligence et émotion. A la danse des regrets, l’artiste préfère l’espoir de noces du réel grâce à la photographie.
Le corps est là en proie à divers mondes. Le tout avec pudeur et discrétion. Le regardeur ne sait jamais où il est, où il va. Tout naît et renaît sans cesse. Un temps suspendu à la fois pulsé et non pulsé soudain se déclenche.
Il fait vivre une intensité maximum hors du temps qui n’est que mesure. Il crée aussi une succession de schismes.
La fusion y devient parfois hostile, aride. Le sacrifice y reste autant carnivore que soyeux et joyeux.
Marie Lise Rossel révèle ainsi la frustration du corps où nous étions avant de voir ses images qui en deviennent la nostalgie, la poussée, l’émotion.
Voir le site de l’artiste.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La caféine et la morphine.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Toujours présents. Si la photographie ne me fait pas manger, je ferai médecine en Anesthésiologie . Ce sont juste les études chères et tous les neurones que j’ai cramés dans certaines périodes de vie qui rendent le projet problématique et peu viable.
A quoi avez-vous renoncé ?
Ayant une grande fatigue, j’ai renoncé à un train de vie de mon âge. Je perds beaucoup de temps dans le sommeil.
D’où venez-vous ?
Tamelan BE du coté de mon père, bled indescriptible. Remmigen AG du côté de ma mère qui étaient à la base des juifs polonais. Et sauf erreur l’Argovie, à cette période, était le seul canton à accepter les juifs. C’était la minute culturelle. Ce qui explique ma façon de boire entre autres.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Vous vous êtes trompé d’époque?
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Le Cuba libre avec la cigarette. Tous les soirs quasiment.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je trouve qu’il y a, personnellement, dans le monde de l’art contemporain une cruelle absence d’humour sans compter le snobisme, toujours présent. L’auto-dérision m’a été salvatrice, donc voilà manque d’humour. Et deuxièmement, je suis partie de L’Ecole de photographie de Vevey et j’étais
malade. La maladie psychique est très forte dans mes images et certaines choses pas marrantes qui me sont arrivées, cela m’a donné de la créativité.
Comment définiriez-vous votre approche du portrait ?
Les gens ont l’air triste sur mes portraits. Je crois que ma joie de vivre est contagieuse.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Le monsieur de « Orange mécanique » dans la salle de cinéma. Le gros plan où l’on voit ses yeux grands ouverts, impossibles à fermer.
Et votre première lecture ?
“La petite poule rouge”. C’est l’histoire d’une poule qui veut faire du pain avec ses camarades. Et ils l’envoient se faire voir et ils regrettent à la fin. Donc je viens de comprendre que “La petite poule rouge” est un livre de propagande communiste.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Rock : Boys top, Queen, Muse. Classique : requiem de Mozart, Bach. Musique de film : Ennio Moricone, Hans Zimmer. Electronique : Chemical Brothers, Massive attack. Rap : Eminem, W-Tang, NTM
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Des livres de contes.
Quel film vous fait pleurer ?
“La ligne verte” évidemment.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Tout dépend de l’instant et de ce que j’ai dans le sang.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je ne sais pas.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Tien an Men.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Terry Gilliam, Cioran, Antoine d’Agata, Giacomo Brunelli, James Nachtwey, Daniel Balavoine.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un chien qui s’appelle Escobar.
Que défendez-vous ?
Principalement, la lutte contre la peine de mort. Par ailleurs, je faisais partie d’AMNESTY INTERNATIONAL en tant que membre active pour les droits humains.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Il en a pas une autre ? Cela devient lassant…
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Très bonne. mais pas ma préférée de Woody.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si j’avais des animaux de compagnie (hamster, chien, animaux marins …).
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 21 novembre 2019.
Marie à tout le talent et la puissance d’expression d’une artiste qui se doit de l’être pour sa survivance, en opposition avec ceux qui apprennent à peut-être le devenir un jour.
C’est exactement ça.
Les fêlures se rencontrent . L’artiste et JPGP transfigurent la réalité en créativité exceptionnelle .