Robert Delaunay est revisité superbement par Pascal Rousseau. L’auteur explique l’oeuvre à travers les modes populaires de l’époque où apparaissent déjà des “images plates” qui rentrent dans la vie par la publicité et ses murs. Le maître de l’abstraction est donc intéressé par un art “pop” inséré dans le temps. L’image est là. Mais Delaunay lui oppose — lorsqu’elle se répand dans les rues et les reproductions — le tableau.
Le peintre crée de grands formats nourris d’une telle imagerie. L’artiste “monte” comme au cinéma ses oeuvres même s’il ne considère pas le film comme un art mais une mécanique, qui plus est et à l’époque, sans couleurs.
Seul le tableau pour lui crée l’animation comme dans ses différentes versions de “L’Equipe de Cardiff” où tout se mêle — au-delà de la virtuosité — dans une construction symbolique de la modernité. Paris devient un schème matriciel de la ville fondé sur l’attraction comme l’architecte Rem Koolhass le proposa plus tard dans son interprétation de Manhattan (“New York Delire”).
Dès 1913, Delaunay insère au besoin et par incidence son corps que traverse son nom comme une marque, une “réclame”. Proche de Gleize, Cendrars et d’Apollinaire quant à l’esprit de modernité, le plasticien considère l’art comme une contre-image à l’imagerie qui se met à circuler de manière déjà mondialisante. Il balaie les figures ésotériques antérieures et opte pour une sorte de dynamique “futuriste”.
D’autant que Delaunay est fasciné par le mouvement italien mais il veut s’imposer face à eux.
Pascal Rousseau renouvelle la vision du peintre partisan affirmée comme “simultanéisme”. Celui-ci cherche, par les formes mais aussi la couleur, comment faire basculer la peinture vers un nouveau langage au même titre que Kandinsky. Séduit par l’économie visuelle des panneaux réclames, tout comme Léger, il trouve là un moyen de lutter contre le bon goût du temps incarné entre autres par “la société de protection du paysage”.
Il lutte donc contre les habitudes et fait hurler les images dans l’avènement de contrastes plastiques. Il est à ce titre pour Pascal Rousseau l’inventeur du Pop art. Un Pop art archaïque mais où le mode pictural s’éloigne du cubisme pour rejoindre le “tableauïde” (selon le mot de l’essayiste) inspiré par les nouveaux journaux illustrés.
jean-paul gavard-perret
Pascal Rousseau, Robert Delaunay. L’invention du pop, Hazan, Paris, 2019.