Les profondeurs de peaux : entretien avec Anne Perrin (Tu la baises & Lui dit-elle)

Le mys­tère du fémi­nin emprunte dans l’oeuvre d’Anne Per­rin des tour­nures frac­tales. L’amour y semble un délire gym­nique com­pa­rable à celui qui fait croire que l’azur du ciel est immense et rond. L’auteure rap­pelle qu’une simple his­toire d’amour n’est jamais simple. Elle le prouve en se scé­na­ri­sant et en inven­tant un nou­veau moyen de le faire. Fami­lier — a priori -, le corps reste étrange et étran­ger dans les inter­stices et les obs­tacles que toute rela­tion engage.
Les coïn­ci­dences se défont mais les rêves s’enfilent dans des règles du jeu que cha­cun res­pecte comme il peut car, entre l’idéal et le réel, entre l’imagination et la sen­sa­tion, l’unique point de jonc­tion du monde semble les corps. Ils deviennent sym­boles et sub­stances.
L’extase se savoure par découpes selon des capi­ton­nages et par­fois des déca­pi­ta­tions comme si un crâne sha­kes­pea­rien traî­nait sur une tablette.

Préfé­rant la petite mort à l’autre, le corps est sou­mis au dyna­misme de la caresse dans des alcôves aux confins du réel entre ordre et « désordre ». Une fièvre par­ti­cu­lière s’enracine pour le temps des amours et des aven­tures comme chan­tait Fran­çoise Hardy.
La femme n’est plus une femme mais une suite d’événements inso­lubles selon un sen­ti­ment qui prend sa source dans la peur de l’impénétrabilité de tout ce qui n’est pas chose affec­tive et mentale…

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Rien. Je reste au lit. Je ne me lève pour ainsi dire jamais le matin.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Per­dus ou oubliés.

A quoi avez-vous renoncé ?
A tout ce qui n’est pas essentiel.

D’où venez-vous ?
D’une pous­sière d’étoile.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je ne me sou­viens plus.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Lire et écrire, ou l’inverse selon les jours.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Ce n’est pas à moi de répondre à cela.

Com­ment définiriez-vous votre approche de l’éros ?
La peau, d’abord la peau.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Les char­niers des camps de concen­tra­tion.
Ce devait être un livre de la biblio­thèque rose, mais lequel…

Quelles musiques écoutez-vous ?
Un peu toutes, hor­mis la House, la contem­po­raine, le free jazz.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y en a trop, impos­sible de choisir…

Quel film vous fait pleu­rer ?
“La vie des autres, revu récem­ment mais aussi tous les autres….
Moi, mais j’ai tou­jours de la peine à me reconnaître.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Patrice Ché­reau, pour lui pro­po­ser une ren­contre, voire une collaboration.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Bey­routh, que je ne connais pas.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Patrice Ché­reau, cité au-dessus, cer­tains auteurs de théâtre comme Wajdi Moua­wad ou Fabrice Mel­quiot, Vir­gi­nie Des­pentes, Armand Gatti, connu et aimé, Sta­nis­las Nor­dey en mise en scène, Tapies en pein­ture, Damien Saez en chan­son, Sebas­tio Sal­gado en pho­to­gra­phie, Pina Bausch en danse, et tant d’autres que j’aime et dont j’aimerais me sen­tir proche, sans aucune garan­tie d’y parvenir.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Rien. Je sais don­ner mais ai tou­jours de la peine à recevoir.

Que défendez-vous ?
Un autre monde pos­sible. Sans aucune illu­sion sur la faisabilité.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’amour est en soi. Pour tout le monde. Cer­tains l’ont oublié ou perdu en cours de route.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Tou­jours écou­ter avant de répondre.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Oui.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 19 novembre 2019.

3 Comments

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3 Responses to Les profondeurs de peaux : entretien avec Anne Perrin (Tu la baises & Lui dit-elle)

  1. Ahmed El Fazazi

    Je par­tage plei­ne­ment ta vision des chose pour un monde pos­sible sans illusion…

    • Malou Rose

      Éla­bo­ra­tion dif­fi­cile et écri­ture qui frôle le vul­gaire à l’image du dis­cours de l’auteure sou­vent très impul­sive dans l’échange…j’ai tenté de lire ses deux livres…décevant.

  2. Pingback: #PartageTaVeille | 18/11/2019 – Les miscellanées d'Usva

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