Stieg Larsson, Millenium — Tome 3 : “La reine dans le palais des courants d’air”

Les héros lit­té­raires ont ici du mal à nous surprendre

Nombre de spé­cia­listes s’accordent à dire qu’au sein d’une tri­lo­gie, le tome 2 est sou­vent le plus réussi, celui où les per­son­nages se révèlent véri­ta­ble­ment et où l’histoire atteint son apo­gée. Mais il faut bien conclure et très sou­vent, le lec­teur ou le ciné­phile reste sur sa faim !
S’il est dom­mage de géné­ra­li­ser un tel pro­pos, on peut néan­moins affir­mer que ce troi­sième et der­nier opus de Stieg Lars­son est assez dif­fé­rent des deux pre­miers tomes, man­quant peut-être un peu de panache voire d’entrain. Pour­tant, le décor est planté depuis plus de mille pages, les per­son­nages fidèles à eux-mêmes. Peut-être est-ce cela qui laisse un arrière-goût d’inachevé car les “héros” lit­té­raires ont ici du mal à nous sur­prendre, tant ils nous semblent désor­mais fami­liers. De même, cer­tains rebon­dis­se­ments peuvent paraître un peu trop oppor­tuns, comme s’il fal­lait abso­lu­ment ter­mi­ner enfin l’histoire et y mettre un point défi­ni­ti­ve­ment final ! Mal­gré tout, on lit du début à la fin, avec tou­jours autant de plaisir.

Pour ceux qui n’auraient pas encore lu le deuxième tome, il est conseillé de ne pas lire les lignes sui­vantes, comme pré­vient la qua­trième de cou­ver­ture. Car Mil­le­nium 3 enchaîne direc­te­ment avec Mil­le­nium 2. Là où le deuxième ouvrage lais­sait pas­ser quelques mois, voire une année, le troi­sième laisse à peine le temps de souf­fler. Là où le numéro 2 s’achevait avec une Lis­beth Salan­der mori­bonde, quasi morte, et un Zala­chenko en sale état, le numéro 3 com­mence direc­te­ment à l’hôpital avec la jeune héroïne mira­cu­leu­se­ment sor­tie d’affaire. Mais contrai­re­ment aux pré­cé­dents romans, on assiste presque à un huis clos accen­tué par l’enfermement en milieu hos­pi­ta­lier avant de vivre l’opération de sau­ve­tage de Lis­beth lancé par Mickael Blomk­vist et ses amis, jour­na­listes et poli­ciers.
Le pro­cès Salan­der, suite aux nom­breuses accu­sa­tions dont elle a été l’objet tout au long de La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allu­mette, et le mys­tère Zala­chenko consti­tuent le cour de l’intrigue. De ce fait, fini les longs périples à tra­vers la Suède et le dépay­se­ment d’une petite sta­tion bal­néaire, l’action se situe quasi exclu­si­ve­ment cette fois à Stock­holm, ce qui n’aide pas à don­ner le même rythme au roman.

Si l’on retrouve avec plai­sir les mêmes per­son­nages, même les méchants, de nom­breux nou­veaux font leur appa­ri­tion, peut-être un peu trop car l’on a par­fois un peu de mal à s’y retrou­ver et à com­prendre qui fait quoi ou dans quel camp se situe tel pro­ta­go­niste. Ce qui confère un cer­tain sen­ti­ment de “décousu” car on perd plus faci­le­ment le fil de l’histoire, sans comp­ter les quelques aven­tures “paral­lèles” de per­son­nages secon­daires ou d’habitude plus en retrait comme Erika Ber­ger mais qui, la plu­part du temps, n’apportent pas grand-chose au récit.

En réa­lité, le roman tourne plus autour de la sec­tion secrète de la Sapö, les ser­vices secrets sué­dois, en charge de la sécu­rité de l’État mais incon­nue au sein même de l’organisme. Et si l’auteur pêche un peu par excès de faci­lité, le jour­na­liste qu’était Stieg Lars­son excelle dans l’art de démê­ler les affaires les plus com­plexes. C’est même un tra­vail jour­na­lis­tique de pre­mier ordre dans lequel le lec­teur se plonge fina­le­ment com­plè­te­ment, tant tout semble plau­sible et même réel. On quitte alors le roman poli­cier pour une enquête, minu­tieuse, de fourmi au coeur des méandres de la poli­tique, des tra­fics de tout ordre et de la police secrète.
D’autant que l’auteur n’a en rien perdu ses qua­li­tés lit­té­raires et sty­lis­tiques qui ont fait la renom­mée des deux pre­miers tomes. En défi­ni­tive, on oublie volon­tiers le happy end un peu trop facile ainsi que les quelques “éga­re­ments” de l’écrivain-journaliste sué­dois car on est bien triste de quit­ter les héros de la tri­lo­gie Mil­lé­nium qui nous étaient deve­nus si fami­liers. Lis­beth, Mickael, Erika et tous les autres nous laissent mal­gré tout un peu orphe­lins et on aurait aimé goûté à de nou­velles aventures.

vio­laine cherrier 

Stieg Lars­son, Mil­le­nium - Tome 3 : “La reine dans le palais des cou­rants d’air” (tra­duit du sué­dois par Lena Grum­bach et Marc de Gou­ve­nain), Actes Sud coll. “Actes noirs”, sep­tembre 2007, 710 p. — 23,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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