Didier Le Fur, Peindre l’histoire

L’His­toire au bout du pinceau 

Depuis des mil­lé­naires, l’Histoire a été racon­tée par les images car peu de per­sonnes savaient lire.
Ce n’est que très récem­ment, au regard de l’humanité, depuis l’école publique obli­ga­toire chère à Jules Ferry et sa loi du 28 mars 1882, que des pro­grès signi­fi­ca­tifs ont été réa­lisé dans ce domaine.

Mais quelle his­toire racon­ter ? Selon les époques, selon les besoins, les modèles ont évo­lué. Avant le XIIe siècle, c’étaient les hauts faits qui pré­va­laient. Après cette date, les sou­ve­rains vou­lant conduire des empires chré­tiens ont dû faire évo­luer les héros. C’est ainsi que furent mis en lumière les Neuf Preux pour valo­ri­ser la che­va­le­rie, puis quelques décen­nies après les Neufs Preuses.
Cepen­dant, les pro­cé­dés changent et c’est alors l’héroïsation des princes régnants, au détri­ment des figures exem­plaires. Le siècle des Lumières se dés­in­té­ressa de ces figures. C’est au XVIIIe siècle que la désaf­fec­tion pour ces figures his­to­riques fran­çaises pris fin. Il fal­lait faire renaître des valeurs, une morale, asseoir des situa­tions. Pour ce faire, des figures d’antan furent remises en avant car elles incar­naient des valeurs chré­tiennes, d’honneur, de cha­rité, de bonté, de fidé­lité tant au pou­voir monar­chique que religieux.

Des artistes encou­ra­gés par les monarques don­nèrent nais­sance à un genre pic­tu­ral ori­gi­nal : la pein­ture Trou­ba­dour. L’Empire devait asseoir une légi­ti­mité, la Res­tau­ra­tion devait se faire accep­ter. À cela s’ajoutait l’humiliation de la défaite de 1815, du traité de Paris qui impo­sait une armée d’occupation et des dédom­ma­ge­ments de guerre abso­lu­ment colos­saux.
Le Louvre devint le temple de la créa­tion fran­çaise. C’est ainsi que nombre de tableaux aux sujets his­to­riques virent le jour.

Didier Le Fur a retenu, pour son étude, huit figures repré­sen­ta­tives de la vaillance et de l’éclat de la France. Clo­vis, Ver­cin­gé­to­rix, Gene­viève, Jeanne d’Arc, Char­le­magne, Saint Louis, Henri IV et Fran­çois Ier. Pour cha­cun, à par­tir d’une ico­no­gra­phie par­ti­cu­liè­re­ment bien choi­sie, l’historien détaille l’aura du per­son­nage et les tableaux qui illus­trent les actions de ce héros, actions sup­po­sées ou réelles.
Ainsi, Clo­vis, bien qu’il ne soit pas le fon­da­teur d’une dynas­tie de rois ni de la monar­chie fran­çaise a été mis en avant, au détri­ment de Pha­ra­mond, parce qu’il a été un des pre­miers à se faire bap­ti­ser, ses des­cen­dants pou­vant alors arguer de la lignée d’essence divine. Et Didier Le Fur com­mente les tableaux de Jean-Antiune Gros (1811), de Jean Alaux (1825), d’Ary Schef­fer (1837), de Joseph Nico­las Robert-Fleury (1837), de François-Louis Dejuinne (1837), et de Jules Alfred Rigo (1859). La mise en scène, les émo­tions des per­son­nages rele­vaient de l’imagination du peintre. Pour­tant, pen­dant long­temps cette pein­ture d’histoire fut une réfé­rence, une source véritable.

Pour cha­cune des huit figures, il rap­pelle les grands faits et les rai­sons qui les ont fait rete­nir à une époque et ce qu’ils étaient censé por­ter comme valeurs. Si Clo­vis ser­vait les ori­gines chré­tiennes de la royauté, Henri IV est le roi pré­féré des Fran­çais quel que soit l’époque, Char­le­magne est auréolé par son empire, Jeanne d’Arc repré­sente la valeur des armes et le cou­rage pour libé­rer le pays. Gene­viève est la sainte qui sauve Paris à plu­sieurs reprises, Ver­cin­gé­to­rix iden­ti­fie la résis­tance contre l’envahisseur et Saint-Louis, le modèle du roi chré­tien, asso­cie pou­voir ter­restre et reli­gion. Quant à Fran­çois Ier c’est le prince amou­reux des arts. N’a-t-il pas fait venir Léo­nard de Vinci, le plus grands de tous les génies ?

Avec cet ouvrage, Didier Le Fur éclaire une par­tie de l’Histoire fran­çaise avec un angle nova­teur, celui de la pein­ture. Il pro­pose un livre riche­ment illus­tré et aux com­men­taires des plus pertinents.

serge per­raud

Didier Le Fur, Peindre l’histoire, Édi­tions Passés/Composés, novembre 2019, 176 p. – 29,00 €.

Leave a Comment

Filed under Beaux livres, Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>