Dan Brault, Sampling (exposition)

Souflle anti-coagulant

Dan Brault vit et tra­vaille à Qué­bec. L’artiste est un des acteurs majeurs de la scène cana­dienne, entre autres par les jeux de mon­tage qu’il pro­pose. Ses oeuvres sont des assem­blages hété­ro­clites d’éléments (signes, figu­ra­tions) qui deviennent les pièces d’un puzzle nar­ra­tif à recons­truire. Ten­tant de sou­le­ver les voiles de l’Histoire mais sachant qu’à lui tout seul l’artiste ne peut pas grand chose, il casse néan­moins les réfé­rences acquises et avec une prise de risque cer­taine puisque le créa­teur casse ce qui existe en refu­sant toutes les “har­mo­nies” imi­ta­tives.
La com­po­si­tion oscille entre maes­tria et ins­tinct. Se crée une écar­te­ment des scènes comme du cadre pour sor­tir le monde d’une tor­peur trop long­temps enfouie dans une conscience col­lec­tive que le poli­tique contrôle trop bien.

Existent autant une explo­ra­tion qu’une expé­ri­men­ta­tion et une vision qui jouent d’une forme d’instabilité proche d’un cer­tain chaos. Les choses sont intran­quilles et l’oeuvre s’inscrit dans une poli­tique qui en est la fin comme si la pein­ture deve­nait une sorte d’âme de la poli­tique par l’action de s’opposer à ce qui est — et ce, bien sûr dans le champ de la repré­sen­ta­tion.
Refu­sant d’être coincé entre les puis­sances mer­can­tiles et média­tiques d’uniformisation pla­né­taire et — para­doxa­le­ment — les replis iden­ti­taires sur des lieux de réserve, l’artiste ne joue pas pour autant les révolutionnaires.

Il sait ce que cela cache de pos­ture donc d’imposture. Il parie sur l’engagement du corps vivant (phy­sique, pul­sion­nel) dans la pein­ture et ce en “Ema­na­tions, explo­sions”, selon l’ultime Rim­baud. Dan Brault engage une course de vitesse contre la fer­me­ture sta­bi­li­sée des signi­fi­ca­tions qui ne donnent du monde que des chro­mos.
Le sou­flle devient un pro­duit anti-coagulant. C’est pour­quoi l’artiste refuse pro­ba­ble­ment le mot d”inspiration”. Au créa­teur ins­piré il pré­fère l’homme qui expire, qui res­pire, qui souffle dans une résis­tance à la coa­gu­la­tion de la forme et du sens, en un bégaie­ment sys­té­ma­tique, en une suite de glis­se­ments, d’ondes, de mou­ve­ments cor­pus­cu­laires  pour faire trem­bler le monde.

jean-paul gavard-perret

Dan Brault, Sam­pling, Gale­rie Isa­belle Gou­nod, 13 Rue Cha­pon 75003 Paris, Paris, du 30 novembre 2019 au 11 jan­vier 2020.

2 Comments

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2 Responses to Dan Brault, Sampling (exposition)

  1. Dan Brault

    Merci M. Jean-Paul Gavard-Perret pour votre très bel article sur ma pein­ture. Un très beau texte, que j’apprécie énor­mé­ment! Au plai­sir de vous relire sur LeLittéraire.com!

    Bien à vous,
    Dan Brault

    • gavard-perret

      Merci à vous. Si cela vous inté­resse j’aimerais vous pro­po­ser l’interview que je pro­pose sur ce site. Dans ce cas pou­vez vous m’envoyer un mail sur jpgp@live.fr et je vous l’envoie. Cordialement.

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