La double intelligence du regardeur
Dans les “paysages” colorés de Nicolas Chapelle les notions d’intérieur et d’extérieur se dissolvent ou se mêlent. Sous l’anecdote de la fausse narration s’ouvrent bien d’autres visions. Elles révèlent l’étendue de divers points de vue et une manière d’étendre la notion même d’image loin des emphases romantiques.
Dès lors, à travers Motel 155, nous circulons dans nos infra-mondes. A savoir, ceux de nos inconscients à travers des figures détournées de manière poétique par la puissance des formes et des couleurs.
La figuration humaine reste parcimonieuse dans ce qui tient apparemment de scènes de genre. Emerge une dérive à travers des éléments qui titillent de références cinématographiques hollywoodiennes l’imagination du regardeur. Il croit retrouver ses scènes qu’il a aimées et que l’artiste reprend à sa main au sein de chambres bariolées qui rappellent avec ironie un univers hitchcockien.
Tout ce travail présuppose le règne des stéréotypes « prévalants ». Avec les éléments décomposés de ceux-ci, Nicolas Chapelle parvient à imposer des figures dégradées, morcelées, éparses et ironiques au moment où de possibles fantasmes sont vidés de leur contenu.
Le simulacre est donc susceptible de retraduire des équivalences au sein d’un formalisme qui sollicite chez le regardeur une double intelligence. Celle de l’incongruité de toute scène et celle de la façon de (se) la « représenter ».
Le regardeur peut alors devenir le complice de l’artiste. Le second n’a donc plus à prévenir le premier comme le fit Magritte avec son « ceci n’est pas une pipe » puisqu’il l’aura déjà compris.
jean-paul gavard-perret
Nicolas Chapelle, Motel 155, Galerie 25 Capucins, Lyon, du 14 novembre 2019 au 11 janvier 2020.