Patrick Pécherot, Soleil noir / Belleville-Barcelone

Quatre hommes pro­jettent le casse d’un four­gon blindé au moment où les convoyeurs se mettent en grève. Un beau Soleil noir

Patrick Péche­rot sort un nou­veau bou­quin à la “Série noire”. Une espèce de Soleil noir pour un octobre san­glant, et l’occasion pour Gal­li­mard de réédi­ter en “Folio poli­cier” l’excellent Belleville-Barcelone, second volet de sa tri­lo­gie sur­réa­liste de l’entre-deux-guerres.


Soleil noir

Il existe de sacrées salo­pe­ries en ce bas monde et en qua­rante ans de fli­caille le com­mis­saire Vanel en a vu de sévères. Mais il vous le dira, aucune n’égale le jus infect pissé par le dis­tri­bu­teur d’un poste de police.

Eh bien rien n’est moins sûr, cher com­mis­saire Vanel car dans la mai­son d’un oncle décédé, quatre hommes, quatre loo­sers, pro­jettent l’attaque d’un four­gon blindé. Leur cou­ver­ture, c’est le rava­le­ment. Force est de consta­ter que c’est l’unique bonne idée de leur casse. Parce que s’ils ne le font pas exprès, c’est tout comme. Ils ne sont pas les seuls à avoir eu l’idée. Déjà, il y a eu du gra­buge lors d’un bra­quage. De quoi mettre en rogne et en grève les convoyeurs. De quoi sur­tout faire traî­ner en lon­gueur le rava­le­ment, faire venir la presse et res­sus­ci­ter un vieux tro­quet avec de fausses légendes. Là-dessus, il faut rajou­ter une bonne dose de drame fami­lial dans un contexte his­to­rique peu relui­sant pour la France. Car à une époque de xéno­pho­bie ambiante, ce n’est pas aux Magh­ré­bins ni aux Blacks qu’on s’en est pris, mais aux Polacks, ces gens qui venaient prendre le tra­vail des Fran­çais, même celui dont ils ne vou­laient pas. Éter­nelle dia­tribe à ger­ber. Et, là, Patrick Péche­rot revient à ses pre­mières amours, la France des années 30 pour mieux nous envoûter.

Les rouages du futur bra­quage ont des ratés. À mesure que l’affaire traîne en lon­gueur, les mal­frats s’épuisent et com­mettent de petites erreurs qui vont s’avérer très fâcheuses. Le temps que ça monte à la tête d’un poli­cier zélé ou intri­gué. Un Cer­vin par exemple.
La cer­ti­tude de Cer­vin vient du fond des tripes. De son odo­rat qui flaire les cou­pables comme celui d’un fauve sent l’invisible. Dès que Mau­rice est entré, il l’a reni­flé. La culpa­bi­lité dégage une odeur plus âcre que la sueur. Mau­rice l’exsudait par tous ses pores.
Et puis il y a cette recherche, cette quête du passé fami­lial. Elle obnu­bile et taraude. Pour­quoi une émi­grée vrai­ment bien inté­grée a-t-elle été obli­gée de retour­ner chez elle ? Pour­quoi une belle his­toire d’amour s’est-elle tra­gi­que­ment ter­mi­née ? Enfin, où est passé cet apprenti mys­té­rieu­se­ment dis­paru ? Autant de ques­tions qui trou­ve­ront leur réponse au milieu des tirs nour­ris qui ali­men­te­ront la folie ambiante et anni­hi­le­ront les der­niers espoirs d’une bande de gusses qui ne trou­vaient pas leur place dans une société où l’héritage du passé pèse très lourd. Le tout, livré avec une écri­ture léchée et empreint d’une douce poé­sie. Ami entends-tu le vol noir du cor­beau sur nos plaines ?


Belleville-Barcelone

J’avais déjà chro­ni­qué ce magni­fique roman à mes débuts sur Le Lit­té­raire, , le relire a été un réel plai­sir tant l’ouvrage four­mille de réfé­rences his­to­riques sans pour autant tom­ber dans la déma­go­gie et tant son écri­ture est jouis­sive avec ses notes poé­tiques et sur­réa­listes qui se fondent dans des phrases où chaque occa­sion est bonne pour faire jouer des mots gouailleurs entre eux.
Eh ben, Ray­mond, on avait dit trois sand­wiches. Il est où celui du pré­venu ? Laisse tom­ber. De toute façon, Mon­sieur n’a pas faim. Depuis des plombes il refuse de se mettre à table.
Pour ceux qui n’ont pas une seule fois abordé la tri­lo­gie des aven­tures de ce fan­fa­ron de Nes­tor, il vaut mieux com­men­cer par Brouillards de la butte, Grand Prix de la lit­té­ra­ture poli­cière en 2002 et à juste titre, embrayer sur Belleville-Barcelone avant de conclure en beauté avec Bou­le­vard des Branques.

 

 

julien vedrenne

   
 

-  Patrick Péche­rot, Soleil noir, Édi­tions Gal­li­mard coll. “Série noire”, octobre 2007, 304 p. — 16,90 €.
-  Patrick Péche­rot, Belleville-Barcelone, Édi­tions Gal­li­mard coll. “Folio poli­cier” n° 489, octobre 2007, 304 p. — 6,60 €.

Leave a Comment

Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>