Un chant du silence au sein du cristal des images
Lambert Schlechter aime jouer avec les énigmes qui sont des vérités approximatives ou des réalités cuisantes. Mais pas que. D’un fragment à l’autre, dans ce 9ème volume du Murmure du temps, l’auteur adresse ses hoquets à qui récitera un Notre père qui êtes aux cieux et des OK à ceux qui s’envoient en l’air sur Terre avant de brûler dans un funérarium lorsqu’ils seront sortis d’un lieu où leur chair est réfrigérée.
Une poésie onirique suit son cours, suce l’os de la mémoire au milieu des ornières sur la langue où les hommes continueront de rouler. Et ce, dans les voyages qu’entreprend un auteur prévoyant : il a toujours soin d’emporter un coupe-papier car il peut y avoir un livre à couper : “celui des editions Lettres Vives ou un Corti”.
Toujours fidèle à sa subtilité poétique, le créateur sémillant tend la main à celle ou celui qui offre son corps pour de génitales parties. Bref, il fait d’elles un bois de chauffe et une robe d’une nudité à cajoler subrepticement là où la langue cascade ou glougloute, libre de ses contours et ses volutes. Elle titille le lecteur pour subsumer les crampes métaphysiques par bifurcations, croisements de réseaux lyriques entre le grandiose et l’infime, le dissout et l’insoluble en digressions méditatives.
Au besoin, la mélancolie opère en détours concertés et autres courants d’air là où les obsessions comme l’angoisse se cachent du mieux qu’elles le peuvent. Et ce, même sur la nuit béante où entre la poussière et le brouillard qui enveloppe des ports d’un nuage épais et lourd, des effluves érotiques du passé ne sont pas une fin.
Ainsi va la vie en ce cycle poétique dense et et dur, doux et parfois apaisé. Reste sempiternellement un corps à exhiber de dessous les mini-jupes syllabiques plus courtes encore que le coquillage qu’elles sont censées protéger. Le tout contre ce qui arrive et qui est traqué en ruptures, incidences aux senteurs capiteuses.
L’image dédouble en permanence la perception sans pour autant jouer d’effets superfétatoires. Ce qui a disparu surgit encore en une actualisation étrange du possible en des images qui semblent quasiment un chant du silence au sein de leur cristal .
jean-paul gavard-perret
Lambert Schlechter, Je n’irai plus jamais à Feodossia, Editions Tinnbad, coll. Tindbad Poésie, Paris, 2019, 230 p. — 22, 50 €.
Merci.