Une force que les images n’auraient pas
Thieri Foulc barbouille en bafouillant (non sans grâces roturières ou sacrées lorsqu’il évoque les saints, du moins certains d’entre eux), écrit ses tableaux plutôt que de les peindre. Et il nous offre ici un catalogue irraisonné de ses projets de non-tableaux, d’esquisses descriptives parfois accompagnées de schémas sommaires, de traitements neufs de motifs éculés, de livrets, etc.
Tout y prend une force que les images n’auraient pas. En témoigne par exemple son hippopotame “Viens mon gros” murmure-t-il car il ignore comment le peindre. Mais il s’arrange. Entre autres avec ses poils en arcs souples.
Il invente au besoin le trait qui n’existe pas — cela n’exclut pas de le travailler - jamais hors cadre même si ses tableaux en n’ont plus besoin, afin d’ébaucher son “Histoire de ma vie” qui dès lors ne tient qu’à un fil. Que les surfaces soient molles ou dures n’a plus d’importance.
Ce qui n’empêche pas le farceur d’envisager le vie d’un saint (Z) qui ressemble à la vie d’un singe mais à la Mantegna ou à la Filippo Lippi — enfin presque. Mais ce qu’il donne a voir est plus impressionnant que ce que firent les vieux maîtres à Padoue ou à Prato.
Bref, l’artiste plus qu’un autre est capable de donner de l’absence aux absences. Pour autant, la peinture n’est pas saisie d’Alzheimer, les mots concoctent une mémoire, là où au besoin l’iconoclaste met deux lignes d’horizon au lieu d’une sans pour autant faire mal aux yeux ou troubler la vue. Le résultat est dense aux plus hauts niveaux.
De quoi ravir le coeur et surtout l’esprit là où, en mettant des pointes de ballerines sur les i, même le Saint Z (de Zéro de conduite) est droit dans ses potes.
lire notre entretien avec l’auteur
jean-paul gavard-perret
Thieri Foulc, Peintures non peintes, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2019, 192 p. — 25,00 €.