Quand la moindre image peut devenir une arme…
Hervé Jubert se glisse dans la peau d’un adolescent et fait vivre quelques semaines de son existence au cœur de la région Occitanie. Il fait partager au lecteur la passion de Paul pour le pilotage de drones, la découverte des premiers émois amoureux, la vie troublée d’un village avec l’arrivée massive de zadistes et de pelotons de gendarmerie.
Il dote son héros d’un couple de parents séparés, d’une mère très occupée et d’un père taiseux à souhait. Les raisons de leur séparation, depuis un an, reste un mystère pour leur fils unique. Le romancier décrit un quotidien banal avec des remarques telles que la nécessité de mâcher ses aliments, la composition du rouge à lèvres…
Paul Sauveur a quatorze ans. Il est élève au collège de Blagnac-sur-Vère. Jacques, son père, est le garde de la maison forestière de Bouxens. Depuis deux mois, la zone est constituée en ZAD pour lutter contre un projet de barrage qui noierait une trentaine d’hectares où se développe une faune sauvage. Pour rentrer chez lui, dans la maison forestière maintenant réservée aux seuls ayants-droits, à savoir : son père, Spam son fox-terrier et lui, il doit franchir des chicanes et justifier aux CRS de son identité.
Mais Paul a une passion : les drones. Il se prépare à la Fizzy Race, une compétition avec son engin baptisé DORI 6 pour Drone Original Résolument Imbattable, numéro 6. À l’issue d’un vol d’entraînement, un rapace fond sur l’engin et le met en miettes. Il lui faut trouver de l’argent pour le remplacer. Au collège, la belle Manon, la nouvelle élève avec son look particulier provoque un coup de foudre chez Paul. Il réussit à l’approcher.
Si des gens défendent la zone, d’autres comme les Pradel, les exploitants d’une grosse ferme, tiennent à ce barrage. Les deux fils, des jumeaux sont la terreur du collège.
Et les affrontements se font de plus en plus violents. Une manifestation dégénère. Paul découvre que Marion est la fille du capitaine de gendarmerie nouvellement arrivé. Et puis, avec son nouveau drone, Paul filme ce qu’il n’aurait pas dû voir quand la milice des PPB (les Paysans Pro-Barrage)…
L’intrigue est inspirée par une situation similaire, celle de Sivens. Mais l ‘auteur fait une belle présentation des faits, de cet antagonisme qui semble difficile à concilier entre protéger la nature et donner les moyens pour assurer des récoltes, nourrir des bêtes sans avoir à les gaver de tourteaux aux OGM. Il dresse un état des lieux tant économiques que politiques, évoque la cupidité, les suspicions de conflits d’intérêts, l’aveuglement de représentants de l’État, de la ministre de l’Écologie qui laisse pourrir la situation…
Hervé Jubert fait toujours preuve de beaucoup d’humour et d’une capacité à retranscrire la réalité à l’aide de réflexions, d’images frappantes et cocasses. Ainsi décrivant des ados : “Ils se concentrèrent sur l’occupation principale de tout animal quand il ne s’agit pas de chercher sa nourriture : manger.” ou : “… cette représentante de l’autre moitié de l’humanité.” Chaque titre de chapitre est emprunté à une des fables de La Fontaine.
Mais, en romancier aguerri, Hervé Jubert sait faire monter la tension de son récit, développer des péripéties et raconter celles-ci avec un ton inimitable.
Un roman pour jeunes adultes riche en informations de toutes natures qui peut se lire avec passion pour des adultes restés de grands enfants.
serge perraud
Hervé Jubert, Droneboy, Syros, coll. “Polar”, avril 2019, 256 p – 16,95 €.