Du polar historique à travers l’Europe et les siècles avec Peter Tremayne et Giulio Leoni, pour des effets surprenants et variés !
C’est bien connu, les grands détectives n’ont pas froid aux yeux. Avec Le Pèlerinage de sœur Fidelma, Peter Tremayne nous emmène, à la suite de son héroïne fétiche dont c’est, déjà, la huitième enquête, à la rencontre d’une société irlandaise méconnue, celle du VIIe siècle après Jésus-Christ. L’action se déroule exactement en 666, année de la bête — une époque pourtant bien en avance sur son temps, où la place de la femme était bien établie. L’influence de la religion chrétienne commence alors à s’accroître, au détriment des cultes gaéliques.
Quelque six cents années et des poussières plus tard — soit en 1301 — à Florence, Giulio Leoni nous invite, avec La Conjuration du Troisième Cercle, à emboîter le pas à Dante Alighieri, récemment nommé prieur de la ville. Ici, nous sommes quasiment sur les terres du Pape. La religion chrétienne est la première du monde civilisé. Les intrigues foisonnent. Les crimes pullulent. Giulio Leoni révèle un monde sociologiquement plus en retrait que celui de Peter Tremayne, tout en dévoilant des facettes vulgaires et exacerbées que l’on n’aurait pas soupçonnées chez Dante…
Peter Tremayne, Le Pèlerinage de sœur Fidelma
Sœur Fidelma, avocate des cours de justice de l’Irlande du VIIe siècle, embarque pour un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, à bord de l’Oie Bernache. Parmi ses compagnons de voyage, elle retrouve son premier amour de jeunesse, Cian, un ancien guerrier dont un bras est invalide. Le navire a-t-il été maudit par les Dieux ? Quoi qu’il en soit, parmi les douze pèlerins à bord, une sœur manque à l’appel. Elle a été assassinée à l’auberge la nuit précédant le départ. Une autre trouve la mort pendant la traversée. Le mal rôde et la jalousie est omniprésente. Cian, qui est un coureur invétéré, a eu des aventures avec toutes les femmes qui l’accompagnent. Mais Cian ne pense qu’à lui. Et cela lui a attiré de nombreux ennemis. La croisière s’agite encore plus lorsque des Saxons prennent le navire en chasse et que la tempête se lève. Pendant ce temps, sur la demande du capitaine Murchad, sœur Fidelma enquête.
Le roman est truffé de tout ce qui nourrit un bon récit d’aventure : des pirates, une tempête, un naufragé, des meurtres et des tentatives avortées sur fond de trame historique bien fournie. La fin est lourdement héritée d’Agatha Christie. Sœur Fidelma réunit tout le monde autour d’une table en passant en revue, tour à tour, tous les suspects avant de révéler le coupable, qui est censé être celui à qui on ne pense pas. Ce roman a pour principal intérêt d’apporter d’intéressantes informations sur la condition des femmes en Irlande à cette époque et sur le conflit religieux opposant, alors, Rome à l’Irlande.
Giulio Leoni, La Conjuration du Troisième Ciel
1301, Florence. Dante Alighieri est prieur de la ville pour deux mois. Et il doit faire face au meurtre horrible d’un mosaïste, statufié devant son œuvre inachevée, un pentagone incisé sur le torse. Tout semble tourner autour du Troisième Ciel, une confrérie qui regroupe les futurs professeurs de l’université de Florence. Ces derniers semblent se jouer de Dante, et l’amènent à rencontrer une danseuse démoniaque et envoûtante. Le mosaïste s’apprêtait sûrement à inclure dans son ouvrage un lourd secret. La ville mène une lutte farouche contre l’Église. C’est une question d’indépendance et de liberté. Le mosaïste n’est que le premier mort d’une série qui s’allonge à mesure que l’enquête piétine. Un apothicaire aux remèdes efficaces mais inconnus est tué. Les origines de cette énigme trouvent leur source à Rome et dans les courants marins. À Dante de les décrypter alors que la guerre civile menace d’éclater, et que les ruelles ne sont pas sûres.
On peut toujours se demander s’il est pertinent de s’emparer d’un personnage réel pour le plonger dans des aventures qu’il n’a pas vécues. Pour peu que la personnalité de Dante, l’auteur de L’Enfer, ait été transcrite avec justesse, on découvre un homme toujours à cran, prompt à rembarrer les autres, parfois vulgaire et plein de mépris envers l’inculture du peuple. Quant à l’intrigue, elle est longue à se développer. Ce qui la sous-tend reste obscur. En revanche, les luttes intestines qui divisent les prieurs entre partisans et adversaires de Rome sont présentées de façon très documentée, ainsi que les moyens dont usent chacun des deux camps pour parvenir à ses fins.
julien védrenne
Peter Tremayne, Le Pèlerinage de sœur Fidelma (traduit de l’anglais par Hélène Prouteau), 10/18 coll. “Grands détectives” (n° 4017), avril 2007, 352 p. — 7,80 €. |