Un monde cauchemardesque et à la limite de l’effondrement
En apparence, Leopod Rabus reste toujours proche de la grande peinture classique. Il voue d’ailleurs un culte à Goya, à Ingres et aux préraphaélites anglais. En ce sens donc – mais en ce sens seulement –, l’artiste revendique sa place dans « la peinture peinture ». Mais sous ce vernis surgissent des humanités déformées. Elles naviguent dans un univers fait de perspectives multiples, au milieu de décors hétéroclites hors de l’espace et du temps.
Les silhouettes sont souffreteuses, cadavériques et toujours mises en équilibres instables voire périlleux par la précision du trait, la puissance scénographique. Le spectateur pénètre un monde cauchemardesque et à la limite de l’effondrement.
Par la figuration, Rabus ouvre sur des visions intérieures. Les personnages — glanés dans des photographies familiales ou ailleurs — deviennent des moteurs à un travail de mémorisation mis au service d’un imaginaire hors de ses gonds.
Et pour parachever ses atrophies ludiques, le tout il n’hésite pas à mettre du kitch dans ses fonds pour une ironisation supplémentaire.
Plus l’image semble se rapprocher du réel, plus elle en devient « distante » par l’absurdité qu’elle génère.
Surgit l’impression d’être réduit à la passivité et de n’être venu au jour que pour avoir été mûri ou brûlé dans l’obscurité dont ne sait quelle aventure de la chair mais dont l’artiste rappelle l’engrais ou le carburant.
jean-paul gavard-perret
Leopold Rabus, Rencontres, MahN, Neuchâtel, du 6 octobre 2019 au 8 mars 2020.