Sans y toucher : une certaine dureté
Il existe toujours dans les portraits et les paysages de Vivian Maier une dureté implicite et une forme de distance. La photographe est toujours raide en ses prises mais cela n’empêche en rien une poésie. Plus que sur le visage, c’est sur la “visagéité” (Beckett) que doivent porter ses portraits. Et cela est bien différent puisque, soudain, le premier n’est plus forcément au centre de l’image.
Il s’agit de s’écarter de la “fausse évidence” du miroir pour dialectiser par le langage plastique un sujet qui n’est plus du “même”.
Chaque prise fait éclater les masques et prouve que la photographe se met “en quête d’identité” en s’arrachant à la fixité du visage pour plonger vers l’opacité révélée d’un règne énigmatique. Il s’agit tout autant de ne pas satisfaire le regard et la curiosité du voyeur par l’image de l’autre dans ce qui ne ferait que lever du fantasme.
L’art du portrait — et parfois de l’autoportrait — ne doit pas produire le monde de l’hypnose mais celui de la gestation et de la présence “déplacée” d’un “si je suis” qui viendrait tordre le cou au “qui tu es”.
jean-paul gavard-perret
Vivian Maier — Entre ses mains, Palazzina du Caccia di Stupingi, Turin, du 12 octobre 2019 au 12 janvier 2020.