Ceci n’est pas l’ouvrage d’un mystique. Quoiqu’il soit rédigé comme une lettre du Christ au lecteur, le livre du père Zanotti-Sorkine tient plutôt du catéchisme pour adultes et de l’interprétation personnelle des Evangiles. Conscient du fait que le catholicisme a mauvaise presse de nos jours en France, et soucieux de répondre aux accusations les plus courantes à l’égard de l’Eglise et de ses dogmes, l’auteur propose une doctrine qui insiste sur les notions d’amour (ou de bienveillance envers autrui), de pardon (allant de pair avec une mise en garde contre le jugement) et de liberté intellectuelle.
Ainsi, il rappelle que Jésus n’était pas d’accord avec les théologiens de son temps, pour inviter le lecteur à garder éveillé son esprit critique face à l’institution et aux prêtres. Cependant, il observe que si l’Eglise n’existait plus, “un tiers de l’humanité ne mangerait plus à sa faim“, étant donné qu’elle est “la plus grande ONG du monde“ (p. 93), et il insiste sur l’idée que le clergé n’est pas censé être infaillible : “Je veux que mes prêtres comprennent la misère humaine et l’absolvent en se croyant plus ignobles que leurs frères“ (pp. 93–94).
Par ailleurs, le père Zanotti-Sorkine accorde une large place dans son ouvrage aux références littéraires et picturales, suivant l’idée que “les artistes font œuvre divine en magnifiant la nature humaine“ (p. 119). Les amateurs de Proust apprécieront la manière dont le romancier est cité pour tourner en ridicule les “irréprochables“ qui prétendent régenter la vie d’autrui (p. 52).
Ce n’est évidemment pas le genre de Zanotti-Sorkine dont la foi est essentiellement accueillante et indulgente. Dans le même esprit, il ironise sur les fidèles qui récitent leur psautier comme si c’était “un livre de recettes de cuisine“ (p. 89) au lieu de s’imprégner des idées du Christ.
La plupart de ses thèses suscitent la sympathie, et si son écriture peine par endroits à nous convaincre que c’est Jésus lui-même qui nous parle, elle ne donne pas pour autant l’impression d’un sacrilège ou d’une prétention choquante. Le problème que pose l’ouvrage est d’un autre ordre : il semble viser un lectorat d’athées, qu’il aimerait convertir au fil des pages, tandis qu’on peut parier qu’il sera lu presque exclusivement par des catholiques.
En d’autres termes, le père Zanotti-Sorkine risque de prêcher des convaincus par le biais d’un Jésus qui s’adresse aux mécréants.
agathe de lastyns
Michel-Marie Zanotti-Sorkine, D’un amour brûlant, Artège, octobre 2019, 160 p. – 12,00€