Arnaldur Indridason, La Voix

Arnal­dur Indri­da­son nous pro­pose La Voix, son troi­sième roman avec le com­mis­saire islan­dais Erlen­dur : une véri­table réussite.

On a assas­siné le Père Noël. Ce n’est pas la pre­mière fois, mais ce coup-ci, la tra­gé­die est glauque. Parce que ce der­nier avait le pan­ta­lon baissé, un pré­ser­va­tif au bout du sexe, et que ça s’est passé dans les sous-sols d’un hôtel de luxe. Quand le com­mis­saire Erlen­dur et sa clique (Sigur­dur Oli et Elin­borg) débarquent, c’est toute l’histoire de l’Islande qui res­sur­git. Tel un Mai­gret dans une enquête com­pli­quée, Erlen­dur décide de s’installer sur les lieux du crime. Le Père Noël était por­tier et homme à tout faire de l’hôtel mais on venait de lui signi­fier son congé. Avant, pen­dant son enfance, il avait eu une autre vie. Son père avait fait de lui un enfant vedette. Il s’appelait Gulli, il avait une voix d’ange et, aujourd’hui, les deux seuls disques qu’il a enre­gis­trés se vendent une fortune.

Au moment de sa mort, le por­tier sem­blait la cible de toutes les atten­tions. Un tou­riste détra­qué sexuel et une sœur per­due de longue date après une hor­rible tra­gé­die s’intéressent for­te­ment à une caisse de disques dis­pa­rue. Erlin­dur s’imprègne de l’atmosphère de l’endroit et essaie de se mettre à la place du mort. Noël approche. Pour la pre­mière fois depuis des lustres, Erlen­dur est amou­reux. Elle pré­lève de l’ADN, est sen­sible au passé d’Erlendur, et ce qui est plus sur­pre­nant encore, Erlen­dur s’entend se confier et racon­ter. Pen­dant ce temps, Eva Lind, sa fille qu’il a du mal à com­prendre et qui ne s’est pas sui­ci­dée après le décès de son enfant mort-né, vient le visi­ter. Elle essaie de se sor­tir de la drogue. Elle aime son père, mais n’arrive pas à l’exprimer. Pire encore, elle ne s’aime pas, mais elle aidera du mieux qu’elle le peut son père, ce com­mis­saire aux méthodes aussi aty­piques que désordonnées.

La Voix est le troi­sième volet des aven­tures du com­mis­saire Erlen­dur. Ce nou­veau roman d’Arnaldur Indri­da­son est stu­pé­fiant et confirme le génie de cet auteur qui ne cesse de se boni­fier. Indri­da­son est lié à l’Islande et à son passé. Il ne cesse, à la fois, de raf­fer­mir ce lien et de le por­ter à la vue de tous ses lec­teurs. Depuis La Cité des Jarres, en 2005, les trau­ma­tismes de l’île sont les nôtres. La nos­tal­gie et la tris­tesse qui se dégagent de ses écrits sont comme une douce drogue. Les rela­tions père/enfant (entre Gulli, por­teur des rêves de son père, et Eva Lind aban­don­née par le sien et qui ne se prive pas de le lui faire payer au prix fort) sont décrites avec tout ce qu’un auteur peut mettre d’humain et de tra­gique. Avec La Voix, même si on est en plein hiver puisqu’à la veille de Noël, pour la pre­mière fois, la neige n’apparaît pas réel­le­ment. Pas de tem­pête dans laquelle le voya­geur soli­taire se perd, sauf celle d’une voix, pure, cris­tal­line, d’un ange devenu un moins que rien.

Il faut lire l’œuvre d’Arnaldur Indri­da­son. Il faut lire ses romans avec Erlen­dur. Mais sur­tout, il faut pou­voir appré­cier la mon­tée en puis­sance qui s’en dégage. La Cité des Jarres était un livre mer­veilleux qui sur­pre­nait un lec­teur qui ne pou­vait pas être averti. La Femme en vert était bien plus que le roman de la confir­ma­tion. La Voix est la nou­velle pierre qu’Arnaldur Indri­da­son pose à sa fresque humaine islan­daise. Cela le place entre Bal­zac et Simenon.

julien védrenne

   
 

Arnal­dur Indri­da­son, La Voix (tra­duit de l’islandais par Eric Boury), Métai­lié, février 2007, 336 p. — 18,00 €.

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