Retrouvez la suite des aventures de Sherlock Holmes dans cette nouvelle traduction d’Eric Wittersheim.
L’œuvre holmésienne de sir Arthur Conan Doyle, médecin de formation, qui officia dans les colonies et sur mer a déjà été publiée en “intégrales” — ou tentatives d’intégrales — à maintes reprises. Celle qu’édite la collection Omnibus depuis juillet 2006, et qui s’achèvera en 2007, a l’avantage d’être bilingue, et de proposer une nouvelle traduction signée Éric Wittersheim. Les aventures du plus célèbre des locataires du 221 B Baker Street à Londres sont ainsi remises à l’honneur. Un personnage si célèbre — l’engouement populaire qu’ont suscité son héros Sherlock Holmes et son fidèle narrateur, le docteur Watson, peut être comparé à celui que souleva Eugène Sue avec ses Mystères de Paris — qu’il a pour ainsi dire vampirisé son auteur. Au point que celui-ci tentera de le “tuer” en compagnie de son éternel ennemi, le professeur Moriarty. Mais il sera obligé de le ressusciter !
Le second tome de cette intégrale rassemble de nombreuses nouvelles et correspond à une époque charnière dans la carrière de Sherlock Holmes. Sir Arthur Conan Doyle, voyant d’un mauvais œil l’importance que prenait le détective sur sa carrière littéraire, avait résolu d’éliminer son héros. Mais la réaction des lecteurs fut si vive qu’il dut se plier à la pression de la vindicte populaire et rappeler à la vie l’homme à la pipe et aux facultés de raisonnement hors du commun.
“Le Dernier problème”, nouvelle datée de septembre 1893 et dernière du recueil Les Mémoires de Sherlock Holmes, est sans aucun conteste l’une des plus célèbres. La faute en incombe au malfaiteur traqué, le fameux professeur Moriarty, celui qui plongea Holmes dans les chutes non moins fameuses du Reichenbach :
“C’est le Napoléon du crime, Watson. Il est derrière la moitié des forfaits et la plupart de ceux passés inaperçus commis dans cette grande cité. C’est un génie, un philosophe, une pensée abstraite. Il est doté d’un cerveau de tout premier ordre. Il reste sans bouger, comme une araignée au centre de sa toile, mais cette toile possède mille ramifications, et il distingue parfaitement les vibrations imprimées par chacune d’entre elles. Il agit peu lui-même. Il ne fait que dresser des plans. Mais ses agents sont légion et merveilleusement organisés. Qu’il y ait un crime à commettre, un document à soustraire, ou bien disons une maison à piller, un homme à éliminer — on fait passer le mot au professeur, l’affaire est mise sur pied et exécutée. Il se peut que l’agent soit arrêté. Dans ce cas, on trouve de l’argent pour sa caution ou sa défense. Mais l’autorité centrale qui emploie l’agent n’est jamais inquiétée, ni même suspectée. Telle est l’organisation que j’avais découverte par mes déductions, Watson, et je consacrai toute mon énergie à la démasquer et à l’abattre.”
“Le Dernier problème”, p. 269
Les autres nouvelles mettent en scène des personnages que le lecteur va être amené à souvent rencontrer. Tout d’abord Mycroft, le frère de Sherlock, brillant agent britannique, qui apparaît dans L’Interprète grec. Mycroft s’occupera du logement du 221 B Baker Street dans “La Maison vide” au moment du retour incognito de Sherlock à Londres. Lestrade et Hopkins, tous deux de Scotland Yard, font souvent appel à ses services, mais le grand détective peut aussi s’attaquer à des problèmes plus mineurs et non rémunérés comme dans “L’École du Prieuré” où l’énoncé d’un examen a été recopié par un étudiant désobligeant.
Au milieu de ces récits brefs, toujours aussi bien rapportés par le fidèle Watson, un roman, Le Chien des Baskerville, qui signe chronologiquement le retour de Holmes bien que sa disparition dans le gouffre du Reichenbach ne soit jamais mentionnée. Une malédiction pèse sur la famille des Baskerville. Un chien hante la lande avoisinante et pousse d’horribles hurlements. Le précédent lord est mort de crise cardiaque, mais le nouvel occupant n’a pas l’intention de se laisser faire et en appelle à Sherlock Holmes. Ce dernier envoie Watson en éclaireur. Il relate au détective tous les événements qui se déroulent dans le manoir, et lui brosse le portrait des habitants du coin. Surtout un frère et une sœur qui occupent une maison voisine ; Lord Baskerville ne tarde pas à tomber amoureux de la jeune femme… L’intelligence de Sherlock Holmes sera mise à rude épreuve.
Ceux qui lisent l’anglais dans le texte se régaleront évidemment des pages de gauche de l’ouvrage. Ils pourront, en cas d’incompréhension, jeter un œil sur la page de droite, un peu comme un amateur de mots fléchés zyeute sur les solutions. Les intrigues et le style de Conan Doyle, qui s’inspira des écrits d’Edgar Allan Poe et d’Émile Gaboriau ainsi que de l’expérience du docteur Joseph Bell, chirurgien de son état aux déductions étonnantes sur ses patients, ne perdent rien de leur modernisme. La magie holmésienne opère dès la première phrase. Le travail d’Éric Wittersheim se doit d’être signalé. La tâche est ardue, le risque est grand. Moderniser une traduction est devenu aujourd’hui essentiel. On l’a déjà vu avec Dostoïevski et André Markowicz. Les illustrations originales de Sidney Paget (1844–1908) que l’on peut découvrir parsemées dans Les Mémoires de Sherlock Holmes et Le Retour de Sherlock Holmes sont tirées des éditions originales des nouvelles parues dans le Strand Magazine, incontournable revue littéraire qui commanda dans le même temps Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde. Heureux lecteurs d’alors…
SOMMAIRE DU TOME II
Les Mémoires de Sherlock Holmes II — The Memoirs of Sherlock Holmes II :
Le Rituel de Musgraves — The Musgrave Ritual (mai 1893)
Les Propriétaires de Reigate — The Reigate Squire (juin 1893)
L’Estropié — The Crooked Man (juillet 1893)
Le Patient à demeure — The Resident Patient (août 1893)
L’Interprète grec — The Greek Interpreter (septembre 1893)
Le Traité naval — The Naval Treaty (octobre-novembre 1893)
Le Dernier problème — The Final Problem (décembre 1893)
Le Chien des Baskerville — The Hound of the Baskerville (1901–1902)
Le Retour de Sherlock Holmes — The Return of Sherlock Holmes :
La Maison vide — The Adventure of the Empty House (octobre 1903)
L’Entrepreneur de Norwich — The Adventure of the Norwood Builder (novembre 1903)
Les Hommes dansants — The Adventure of the Dancing Men (décembre 1903)
La Cycliste solitaire — The Adventure of the Solitary Cyclist (janvier 1904)
L’École du Prieuré — The Adventure of the Priory School (février 1904)
Peter le Noir — The Adventure of Black Peter (mars 1904)
Charles Augustus Milverton — The Adventure of Charles Augustus Milverton (avril 1904)
Les Six Napoléon — The Adventure of the Six Napoleon (mai 1904)
Les Trois Étudiants — The Adventure of the Three Students (juin 1904)
Le Pince-nez en or — The Adventure of the Golden Pince-nez (juillet 1904)
Le Trois-quarts disparu — The Adventure of the Missing Three-quarter (août 1904)
Le Manoir de l’abbaye — The Adventure of the Abbey Grange (septembre 1904)
La Deuxième Tache — The Adventure of the Second Stain (décembre 1904)
Lire ici la crhonique du tome I
julien védrenne
Arthur Conan Doyle, Les Aventures de Sherlock Holmes II (édition bilingue, trad. d’Eric Wittersheim, ill. originales de Sidney Paget), Presses de la cité coll. “Omnibus”, août 2006, 1192 p. — 23,50 €. |