Celui qui se mésestime — entretien avec Franck Balandier (Apo[llinaire])

Franck Balan­dier a le défaut de se més­es­ti­mer. Auteur de nom­breux titres, il est un irré­gu­lier du monde lit­té­raire. Il a effec­tué un tra­vail d’éducateur dans les pri­sons puis de direc­teur péni­ten­tiaire d’insertion et de pro­ba­tion. En consé­quence, il sait ce qu’il en est des exclus et de leurs pro­blèmes. Sou­vent, il crée des oeuvres entre vérité et  fic­tion où « l’exacte soli­tude » est mise à nu.
Pié­ton de Paris, il est un éter­nel flâ­neur de la cité. Le faux atra­bi­laire fait preuve — dans ses œuvres  comme sans doute dans sa vie — d’ une luci­dité mâti­née d’un sens cer­tain de l’humour. Ce der­nier  per­met de rendre les vicis­si­tudes supportables.

Après Apo au Cas­tor Astral, Franck Balan­dier a publié Le Paris d’Apollinaire, édi­tions Alexan­drines et L’heure tiède, un recueil de textes poé­tiques, paru à Librai­rie Gale­rie Racine, Paris.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de pisser.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Des rêves de vieux.

A quoi avez-vous renoncé ?
À croire en Dieu.

D’où venez-vous ?
À cette ques­tion, Jimi Hen­drix avait répondu à peu près : “Je viens de la pla­nète Mars”. Me concer­nant, j’arrive de moins loin. De la lune, peut-être.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un ADN.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un rituel, plu­tôt : celui de l’apéritif, tou­jours anisé.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
L’absence totale de talent.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Celle des abat­toirs de La Vil­lette et du canal de l’Ourcq près des­quels j’ai grandi.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Le Jour­nal de Mickey auquel mes parents m’avaient abonné.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes. Mais en prio­rité du rock et les musiques urbaines.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’ai honte, mais je ne relis jamais un livre déjà lu.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Je ne pleure plus depuis bien long­temps. Mais il y en a un qui m’a fait pleu­rer : “La balade du sol­dat”, un film sovié­tique de Gri­gori Tchou­kh­raï. J’étais tout petit et mon père m’avait traîné au cinéma. J’en avais mal com­pris le titre que j’avais trans­formé en un “La balade du soda” convaincu qu’on allait voir un film comique. Au lieu de rire, j’ai pleuré à chaudes larmes devant ce drame.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un homme vieillis­sant avec pru­dence, mais éga­le­ment avec constance.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai beau cher­cher, je ne vois pas.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Sans aucune hési­ta­tion, Paris. C’est la ville où j’ai grandi. Je l’aime par-dessus tout et, à 67 ans, je la découvre encore.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Céline, Kérouac, Cen­drars et, natu­rel­le­ment, Apollinaire.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Des amis, mais comme je n’en ai pas, ça va se ter­mi­ner en tête à tête avec mon amoureuse.

Que défendez-vous ?
La tolé­rance et le droit à la différence.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cette autre de Saint Exu­péry : “Aimer, ce n’est pas se regar­der l’un l’autre, c’est regar­der ensemble dans la même direc­tion”. Je dois avouer que j’ai un peu de mal avec les phrases toutes faites. Elles ont un carac­tère péremp­toire qui m’agace.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Elle pos­sède l’avantage sur la pré­cé­dente de ne pas se prendre au sérieux. Ce qui me convient par­fai­te­ment car j’ai tou­jours consi­déré l’humour comme une arme de des­truc­tion massive.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
M’ayant demandé pré­cé­dem­ment d’où je venais, j’aurais aimé que vous com­plé­tiez cette ques­tion par un “où allez-vous”? À quoi j’aurais sans doute répondu : “nulle part”.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 9 octobre 2019.

3 Comments

Filed under Entretiens, Poésie, Romans

3 Responses to Celui qui se mésestime — entretien avec Franck Balandier (Apo[llinaire])

  1. Laure fardoulis

    Sym­pa­thique, denue de pre­ten­tion, ce qui est rare. Bon moi je pre­fere Tin­tin a Mickey…mais c est pas grave..
    J aime Paris…l ancien. Comme lui.
    Fidele aux ori­gines.
    Il.me fait pen­ser a in chan­teur que j ai bp aime Fran­cois Beran­ger.
    Excuses mon tel ne met plus les accents. Curieux. Une sorte de greve.

  2. david19721976

    C’est sans doute là, que réside son talent d’écrivain, et l’homme qui se cache derrière.

  3. david19721976

    Le dille­tan­tisme à mul­tiples facettes, la soif du savoir ali­menté par quelques pas­sions dont Franck Balan­dier semble bien maî­tri­ser. Il fait rare­ment ou peu le cas d’apparaître par souci d’équité pudique; trop à mon goût, mais il s’agit là de mon simple avis. Il pos­sède le talent de la diver­sité lit­té­raire rare, sans se can­ton­ner dans un seul genre, hor­mis Guillaume Apol­li­naire dont il fut le <> dis­tan­cié, en décou­vrant avec auto­ri­sa­tion que seul son poste le lui a per­mis quelques archives péni­ten­tiaires concer­nant le célèbre détenu.

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