Porteur d’une esthétique impressionniste autant qu’expressionniste et réaliste que poétique, dans la lignée de Cartier-Bresson et dans l’esprit Magnum, Jean-François Dalle Rive est un des photographes actuels les plus méconnus mais importants. Il est vrai qu’il ne transige pas, ne cherche pas à complaire, vit reclus et refuse tout exotisme à la Plossu ou la Paul Strand.
Depuis plus de quarante ans, ce créateur d’exception poursuit avec patience des séries qui sont toujours des oeuvres in progress. En conséquence, elles traversent le temps pour le retenir avec un regard humain attentif aux êtres et leurs cérémonies païennes : de la foire de Beaucroissant à la recherche du père Noël dans les centres commerciaux comme dans sa propre histoire de la Biennale de Lyon et les jardins de Claudel à Brangues.
Récemment, J-F Dalle Rive a exposé “Jours de foire à Beaucroissant” (en 1018 et 2019), “Le regard d’un spectateur” à l’Orangerie du domaine Paul Claudel à Brangues (2019)
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La joie par avance de “faire ma journée”.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Il y avait une forge dans les carrières près de chez moi et je me rêve encore et toujours forgeron.
A quoi avez-vous dû renoncer ?
Renoncer est un verbe spécial : je sais que je travaillerai jusqu’au bout envers et contre tout mais si on comprend ce verbe dans le sens où l’entend Maître Eckart, alors il devient bon de se renoncer le plus complètement possible.
D’où venez-vous ?
Mon grand-père paternel était Italien de la région de Trévise, Il est venu en France avec femme et enfants (mon père avait 8 ans) pour trouver du travail comme ouvrier.
Mes deux parents étaient également ouvriers. Une enfance heureuse et assez libre à la campagne, sans télévision, avec des grandes familles autour et souvent des grandes tablées.
Un petit plaisir quotidien ou non ?
Je suis un adepte de la Chartreuse verte que j’alterne avec son élixir végétal.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres photographes ?
Tout d’abord de n’avoir jamais succombé aux sirènes du numérique (je suis encore 100% argentique noir et blanc).D’autre part, le choix de mes sujets est très personnel, j’ai entre autres abandonné depuis longtemps les villes inhumaines.
Comment définiriez-vous vos narrations photographiques ?
J’essaie de produire des photographies avec divers niveaux de lecture jusqu’à espérer parfois atteindre la poésie. Circulation du regard captivé, captif et intéressé.
Puis comme des briques, assembler les meilleures d’entre elles pour construire des expositions ayant du sens.
Quelle est la première image dont vous vous souvenez ?
Bizarrement, une photographie de famille en noir et blanc assez grand format sans qualité extraordinaire sur le buffet de ma cuisine. Je la regardais souvent étant enfant et je la regarde encore chaque jour car elle est toujours là, chez moi, sur le même buffet !
Et vos premières lectures ?
Le b a-ba: Rémi et Colette. Plus sérieusement, à l’école primaire des poèmes écrits à la craie par l’instituteur sur le tableau noir, ” Le ciel est par dessus le toit” (Paul Verlaine) ou Le dormeur du Val du roi Arthur (Rimbaud) où encore ” France, mère des arts, des armes et des lois / “Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle…” (Joachim Du Bellay).
Quelles musiques écoutez-vous ?
Goûts très divers, toujours curieux en ce domaine : musique de chambre de Schubert, Léonard Cohen et beaucoup de chanson française pour n’en citer qu’un : Jacques Bertin que j’ai vu sur scène encore cette année.
Quel livre relisez-vous ?
“Cinq grandes odes “de Paul Claudel : “Puisque je suis libre ! que m’importent vos arrangements cruels ?” Quel souffle!
Qual film vous fait pleurer ?
“Padre padrone” des frères Taviani mais je ne vais plus au cinéma, ce qui étonne beaucoup mes amis.
Quand vous vous regardez dans votre miroir qui voyez-vous ?
Un regard le plus court possible chaque matin dans la salle de bains sur un mec qui fait ce qu’il peut.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Plus le temps passe moins j’ose, bien que j’ai gardé cette envie saine d’admirer, les grands comédiens de théâtre particulièrement.
Quel lieu a valeur de mythe pour vous ?
J’aime Arles et sa devise ab ira leonis , par La colère du lion.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
J’aime chez les grands artistes l’engagement total, la sincérité sans calcul, le cœur comme chez Giacometti, Cézanne et bien sûr l’ami Vincent Van Gogh.
L’écrivain contemporain que j’apprécie beaucoup est Charles Juliet dont les pages du Journal encouragent à “entrer dans la grande patience”.
Qu’aimeriez vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un petit livre bien glané qui tombe juste.
Que défendez-vous ?
Rester fidèle, y compris en photographie à une certaine idée de l’humanité.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Très peu inspiré par cette phrase de Lacan que je connais mal.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Ah! Le nonsense !
Quelle question ai-je oublié de vous posez ?
Pensez-vous qu’il y ait la Vie pendant la vie ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 2 octobre 2019.
Comme vous !
“J’aime chez les grands artistes l’engagement total, la sincérité sans calcul, le cœur comme chez Giacometti, Cézanne et bien sûr l’ami Vincent Van Gogh.
L’écrivain contemporain que j’apprécie beaucoup est Charles Juliet dont les pages du Journal encouragent à “entrer dans la grande patience”. ”