Jean-Marie Villemot, Les Petits Hommes d’Abidjan

Abel Bri­gand quitte Mont­mo­rancy pour Abid­jan et ses ten­sions, alors qu’un meur­trier en série se venge d’anciens ado­les­cents machiavéliques.

Abel Bri­gand quitte sa retraite et la paroisse de Mont­mo­rency pour retour­ner sur le conti­nent afri­cain. L’homme meur­tri par les images qu’il a vues et un violent coup de machette rçu au Rwanda débarque en Côte d’Ivoire, à Abid­jan, pour rendre visite à une veille femme mou­rante, mère d’une de ses rela­tions aty­piques et exu­bé­rantes, le lieu­te­nant de police Bri­za­le­kou. Les énigmes, les drames de famille et d’enfance semblent col­ler aux basques de l’homme d’église. Modeste Lefort, un Blanc, a été assas­siné de la façon la plus macabre qui soit : égorgé, bai­gnant dans son sang, les lèvres ôtées et affligé d’un gro­tesque bon­net vio­let. Et il est le pre­mier d’une longue série. Tous anciens cama­rades de jeu. Enfin, de jeu, c’est vite dit. Car ces gamins étaient tout sauf des anges. Un viol col­lec­tif per­pé­tré par des fils de colons sans foi ni loi semble être à l’origine de cette ven­geance. Mais la loi du silence règne aussi en Côte d’Ivoire, alors même que les pas­sions se déchaînent et que s’accroissent les ten­sions à l’encontre des Fran­çais per­çus comme des exploi­tants, des envahisseurs.

Tout ceci ne serait-il, à en juger par la forte odeur d’encens sur les lieux du crime, qu’un vul­gaire culte vau­dou, comme semble le croire le com­mis­saire Inno­cent Blé, être sym­pa­thique mais qui stig­ma­tise tout ce dont l’Afrique n’a pas besoin ? Il tour­mente et tor­ture les cou­pables pré­su­més pour obte­nir des aveux qui assoi­ront sa répu­ta­tion de flic effi­cace, lui qui, entier certes, n’est guère intègre — il reflète, par là-même, la per­son­na­lité trouble de toute une nation, de tout un peuple, de toute une his­toire et nous per­met de mieux appré­hen­der pour­quoi, avec notre men­ta­lité, il nous est si dif­fi­cile de com­prendre ce conti­nent magique. Abel, lui, conti­nue cal­me­ment ses inves­ti­ga­tions. La foule en colère l’effraie mais ne lui fait pas tour­ner bride. Les four­mis et le talc sur la peau des vic­times l’intriguent. Un élé­ment majeur du puzzle lui manque. Mais la mort rôde plus que jamais. Et Abel devra tôt ou tard se résoudre à retour­ner en France.

Loin de France, mais aussi de ses énigmes lit­té­raires — Abel Bri­gand nous immer­geait dans Alice au Pays des Mer­veilles, alors que Ce monstre aux yeux verts nous plon­geait au plus pro­fond des drames sha­kes­pea­riens - Les Petits Hommes d’Abidjan est plus empreint d’exotisme. Et c’est bien nor­mal : là où pré­do­mine la tra­di­tion orale, l’écrit n’a que peu de place. Mais le conte, l’image, règnent. Même venus d’Occident. Main­te­nant, ce der­nier roman de Jean-Marie Vil­le­mot, avec qui nous avions eu le plai­sir de tailler un brin de cau­sette, est bien plus sombre que les pré­cé­dents. Il est aussi un témoi­gnage des affron­te­ments que l’auteur, qui vit en Côte d’Ivoire, a vécus. Plus qu’un témoi­gnage, le roman est un mes­sage d’amour à ce pays et à ses habi­tants où la poé­sie des mots telle que pra­ti­quée par Jean-Marie Vil­le­mot prend toute la place. Et comme il en a désor­mais l’habitude, Jean-Marie Vil­le­mot nous pro­pose en fin de roman une ultime énigme, un mes­sage codé met­tant en jeu de l’attiéké déshy­draté, un CD d’Alpha Blondy et un plan d’Abidjan !

julien védrenne

   
 

Jean-Marie Vil­le­mot, Les Petits Hommes d’Abidjan, Rivages coll. “noir”, octobre 2006, 332 p. — 8,50 €.

Leave a Comment

Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>