Abel Brigand quitte Montmorancy pour Abidjan et ses tensions, alors qu’un meurtrier en série se venge d’anciens adolescents machiavéliques.
Abel Brigand quitte sa retraite et la paroisse de Montmorency pour retourner sur le continent africain. L’homme meurtri par les images qu’il a vues et un violent coup de machette rçu au Rwanda débarque en Côte d’Ivoire, à Abidjan, pour rendre visite à une veille femme mourante, mère d’une de ses relations atypiques et exubérantes, le lieutenant de police Brizalekou. Les énigmes, les drames de famille et d’enfance semblent coller aux basques de l’homme d’église. Modeste Lefort, un Blanc, a été assassiné de la façon la plus macabre qui soit : égorgé, baignant dans son sang, les lèvres ôtées et affligé d’un grotesque bonnet violet. Et il est le premier d’une longue série. Tous anciens camarades de jeu. Enfin, de jeu, c’est vite dit. Car ces gamins étaient tout sauf des anges. Un viol collectif perpétré par des fils de colons sans foi ni loi semble être à l’origine de cette vengeance. Mais la loi du silence règne aussi en Côte d’Ivoire, alors même que les passions se déchaînent et que s’accroissent les tensions à l’encontre des Français perçus comme des exploitants, des envahisseurs.
Tout ceci ne serait-il, à en juger par la forte odeur d’encens sur les lieux du crime, qu’un vulgaire culte vaudou, comme semble le croire le commissaire Innocent Blé, être sympathique mais qui stigmatise tout ce dont l’Afrique n’a pas besoin ? Il tourmente et torture les coupables présumés pour obtenir des aveux qui assoiront sa réputation de flic efficace, lui qui, entier certes, n’est guère intègre — il reflète, par là-même, la personnalité trouble de toute une nation, de tout un peuple, de toute une histoire et nous permet de mieux appréhender pourquoi, avec notre mentalité, il nous est si difficile de comprendre ce continent magique. Abel, lui, continue calmement ses investigations. La foule en colère l’effraie mais ne lui fait pas tourner bride. Les fourmis et le talc sur la peau des victimes l’intriguent. Un élément majeur du puzzle lui manque. Mais la mort rôde plus que jamais. Et Abel devra tôt ou tard se résoudre à retourner en France.
Loin de France, mais aussi de ses énigmes littéraires — Abel Brigand nous immergeait dans Alice au Pays des Merveilles, alors que Ce monstre aux yeux verts nous plongeait au plus profond des drames shakespeariens - Les Petits Hommes d’Abidjan est plus empreint d’exotisme. Et c’est bien normal : là où prédomine la tradition orale, l’écrit n’a que peu de place. Mais le conte, l’image, règnent. Même venus d’Occident. Maintenant, ce dernier roman de Jean-Marie Villemot, avec qui nous avions eu le plaisir de tailler un brin de causette, est bien plus sombre que les précédents. Il est aussi un témoignage des affrontements que l’auteur, qui vit en Côte d’Ivoire, a vécus. Plus qu’un témoignage, le roman est un message d’amour à ce pays et à ses habitants où la poésie des mots telle que pratiquée par Jean-Marie Villemot prend toute la place. Et comme il en a désormais l’habitude, Jean-Marie Villemot nous propose en fin de roman une ultime énigme, un message codé mettant en jeu de l’attiéké déshydraté, un CD d’Alpha Blondy et un plan d’Abidjan !
julien védrenne
Jean-Marie Villemot, Les Petits Hommes d’Abidjan, Rivages coll. “noir”, octobre 2006, 332 p. — 8,50 €. |