C’est à la formule de Nietzsche “Qu’il existe un oubli, la preuve reste à faire” que le “je” narrateur amnésique du dernier livre de Modiano s’attaque.
Au-delà d’indices qui se retrouvent sans valeur, ce héros en déficit de mémoire ose sa part de déraison pour casser la forme d’énigme que l’enquêteur préserve et redouble en la déchiffrant.
Le langage permet de retrouver ce qui ne fut jamais inscrit sinon à l’ “Encre Sympathique” d’un genre particulier. Car le non écrit ou caché laisse une trace. Elle en vient à se construire par un opérateur qui la lisse ou s’en enduit dans l’abîme dédoublé du je par la perte de mémoire.
Sans se figer dans un “moi certain” dont parle Blanchot duquel tout ordre revient, l’oubli travaille à la façon d’un négatif pour se restaurer en mémoire paradoxale. Mais mémoire tout de même.
Une fois de plus et en ses jeux de variations, Modiano prouve que l’oubli précède la mémoire voire la fonde comme ombre anticipatrice.
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jean-paul gavard-perret
Patrick Modiano, Encre Sympathique, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019, 144 p — 16,00 €.
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