John Fairfax, Le défenseur

Une vir­tuo­sité nar­ra­tive peu commune 

William Ben­son a été condamné pour le meurtre de Paul Har­be­ton tué dans un rue de Soho pour se ven­ger des coups que ce der­nier lui avait por­tés pré­cé­dem­ment. Il clame son inno­cence mais plaide cou­pable quand il com­prend qu’il pourra béné­fi­cier d’une remise de peine plu­tôt que d’aller en pri­son à per­pé­tuité. Il s’entiche du bar­reau en voyant Helen Cam­ber­ley, avo­cate de la cou­ronne, essayer de lui sau­ver la vie. Aban­don­nant la phi­lo­so­phie, il suit des études de droit et s’installe comme avo­cat lorsqu’il est libéré.
Dans le pré­cé­dent roman (Reconnu cou­pable, Le Masque , 2018), William Ben­son avait été man­daté par Tess de Vere pour défendre une jeune mère accu­sée du meurtre de son riche amant. C’est à cette occa­sion que Tess, qui avait connu William lors de son pro­cès, alors qu’elle était étu­diante en droit, avait renoué des rela­tions ambi­guës. Elle est per­sua­dée de l’innocence de William, tout en ayant des doutes, doutes entre­te­nus par lui. Elle hésite beau­coup à enquê­ter pour connaître enfin la vérité comme l’engage à le faire son amie Sarah.

Un nou­veau pro­cès va les réunir dans l’affaire de l’Orange san­guine, un assas­si­nat par pen­dai­son. La vic­time a été retrou­vée avec une orange san­guine dans la bouche. Brent Stainsby est accusé du meurtre de Diane Hey­bridge, son ex-compagne. Bien qu’il clame son inno­cence, tout l’accuse. Il a pro­féré des menaces de mort à son encontre devant témoins, Il nie s’être rendu de Douvres à Londres pour la voir, mais il a été repéré. Il se défend d’avoir acheté des repas à empor­ter et de les avoir par­ta­gés avec elle. Mais c’est son ADN qui a été retrouvé sur le câble élec­trique qui a servi à la pendre, sur le mégot d’une ciga­rette trouvé près du corps, la marque qu’il fume habi­tuel­le­ment.
Il ne veut qu’un défen­seur, William Ben­son. Or, celui-ci se débat dans de nou­velles dif­fi­cul­tés per­son­nelles. Pourra-t-il trou­ver la capa­cité de défendre cet accusé car l’affaire se révèle, dès son approche, d’une sin­gu­lière complexité ?

John Fair­fax, avec ce nou­veau volet des pro­cès de William Ben­son génère un sus­pense adroi­te­ment entre­tenu avec une suc­ces­sion de révé­la­tions rela­tives tant à l’accusé qu’à la vic­time. Les témoins se suc­cèdent, appor­tant à foi­son des infor­ma­tions contra­dic­toires. La recherche des élé­ments à décharge est pas­sion­nante. Le roman­cier mène de front plu­sieurs intrigues secon­daires qui, loin d’affaiblir l’intrigue prin­ci­pale, la relance.
Est ainsi mise an avant la situa­tion per­son­nelle de Ben­son avec ses tra­cas. Il a été menacé en pri­son et vit tou­jours sous la crainte de celle-ci. La famille de Paul Har­be­ton a juré de ven­ger sa mort. Bien qu’il ait été sou­tenu par une mys­té­rieuse per­sonne qui a investi des sommes impor­tantes pour sa for­ma­tion et son ins­tal­la­tion, des dif­fi­cul­tés finan­cières viennent per­tur­ber gran­de­ment son pré­sent. L’opinion publique est par­ta­gée. Mais la plu­part pense qu’il est scan­da­leux qu’un assas­sin condamné puisse être dans un tri­bu­nal et défendre quelqu’un d’accusé du même délit.
Il y aussi  la valse-hésitation de Tess au sujet de la recherche de la vérité. Quand Sarah lui donne des infor­ma­tions nou­velles qu’elle a recueillies, elle doit prendre une décision.

John Fair­fax illustre avec à-propos la situa­tion de l’avocat face à son client. S’il accepte l’affaire, il doit le défendre même s’il a des doutes quant à son inno­cence. Il lève le voile sur cer­tains des arcanes de la jus­tice anglo-saxonne, sur un fonc­tion­ne­ment et sur les pro­cé­dures qui semblent sou­vent incom­pré­hen­sibles au regard des Euro­péens.
De rebon­dis­se­ments en rebon­dis­se­ments, le roman­cier amène son lec­teur à une chute qui est tout sauf banale. Tou­te­fois, le pro­cès clos, il laisse nombre d’incertitudes quant aux deux prin­ci­paux pro­ta­go­nistes. Une suite s’avère indispensable.

Avec cette série, avec ce couple de per­son­nages sin­gu­liers, John Fair­fax révèle un talent fou dans l’art de récit, dans l’entretien de l’incertitude et dans la mul­ti­pli­ca­tion des péri­pé­ties. Remarquable !

serge per­raud

John Fair­fax, Le défen­seur (Blind Defence), tra­duit de l’anglais par Phi­lippe Bon­net, Édi­tions Le Masque, coll. Poche, mai 2019, 462 p. – 9,10 €.

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