Après les cendres du temps perdu, le feu arrive
Les ailes des géantes de Sarah Fisthole ne risquent pas de l’encombrer. Au ciel et aux éthers elles préfèrent les laves telluriques. D’autant que l’artiste n’est pas de celles qui chérissent les chinoiseries. Elle délaisse les pastourelles pour des amours saphiques qui ne manquent pas de force et de chair. Le clavier des sens joue à fond en des effluves musquées et la magie des couleurs sombres, là où la beauté ne répond pas aux sophismes anorexiques.
Dans un univers gothique — mais pas seulement — l’artiste nous plonge dans les trous d’harmoniques pour que monte la dissonance là où il ne s’agit pas d’aller plus vite mais plus profond.
Jamais enfermée dans un moule, l’artiste impose ses pulsations de vie. Existent des filatures pour que, dans de grands blocs de couleurs, les femmes se rejoignent dans une vie d’errances programmées. Une légende se fomente. Des traits chevauchent les couleurs sans que rien ne s’étrangle. L’artiste ose un certain scandale sans grâce sanctifiante. Nous sommes dans l’enfer où les chacune peuvent se perdent dans les bras de leurs généreuses soeurs.
Elles ne sont bas de douces colombes lorsqu’elles se font l’amour. Au besoin, elles s’affrontent en des jeux dangereux afin que le corps exulte. Il se remplit, brûle, vit en se dévêtant des broderies factices qui nourrissent les fantasmes masculins. Les Adam sont limités à une portion congrue dans des lumières opaques.
La foudre est ailleurs. Les femmes entre elles tombent entre leurs genoux ou grimpent de concert pour toucher la tiédeur du désir.
Elles se suffisent sous le rempart des béguines et se rapprochent peu à peu du vertige. Ici commence le corps, l’orage vient.
Après les cendres du temps perdu, le feu arrive.
jean-paul gavard-perret
Sarah Fisthole, Géantes, Editions White Rabbit Prod, coll. Pool of Tears, 2019.
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