Alfred Gilder, 300 expressions bien françaises pour épater la galerie

Une mine de découvertes…

Tous les jours, dans la conver­sa­tion, pour défi­nir une situa­tion, un fait, une infor­ma­tion, une atti­tude ou un sen­ti­ment, on emploie une expres­sion, en géné­ral ima­gée, pour mieux tra­duire ou ren­for­cer notre pen­sée. Or ces expres­sions “toutes faites” ont une ori­gine qu’on ignore sou­vent, pour ne pas dire tou­jours. Celles-ci, avec le temps, les fluc­tua­tions du lan­gage d’âge en âge, ont vu leur sens évo­luer, leur contenu se déna­tu­rer voire se réduire ou s’élargir.
Alfred Gil­der s’emploie à retrou­ver l’origine, les rai­sons, le contexte dans les­quels ces expres­sions sont nées et gagner ainsi leur place dans le lan­gage popu­laire. Il pro­pose de faire un état des lieux à par­tir d’un cer­tain nombre de ces locu­tions les plus cou­ram­ment employées. Il éta­blit, pour ce faire, seize caté­go­ries, comme, par exemple, celles rela­tives aux ani­maux, celles concer­nant le corps, la table, la reli­gion, le sexe…

Il donne, en clô­ture, sous le titre Fran­co­pho­ni­que­ment vôtre, un flo­ri­lège des expres­sions en vedette dans d’autres pays fran­co­phones comme le Qué­bec, la Bel­gique, la Suisse, mais aussi le Liban et nombre de pays d’Afrique. Un des cha­pitres le plus consé­quent concerne ce qu’il dénomme L’Olympe, des locu­tions liées au grec et au latin, ces langues dites mortes qui nour­rissent notre voca­bu­laire et l’approvisionnent à quatre-vingts pour cent.
Pour cha­cune de celles qu’il a rete­nues, ces 300, il donne la signi­fi­ca­tion actuelle, le sens qu’il faut lui attri­buer. Puis, il indique les rai­sons, les causes, les évé­ne­ments ou les créa­teurs qui ont pu faire naître ces expres­sions. Il donne alors des réfé­rences lit­té­raires, des extraits d’auteurs clas­siques comme modernes, d’écrivains anciens comme contem­po­rains. On retrouve ainsi La Fon­taine, Rabe­lais, San Antonio…

Par exemples : la méta­phore Coû­ter la peau des fesses vien­drait de la pièce de Sha­kes­peare, Le mar­chand de Venise, où un homme prête de l’argent en sti­pu­lant que si la somme n’est pas rem­bour­sée, celui-ci pré­lè­vera une livre de chair. Où peut-on chez l’individu moyen trou­ver une telle masse? Il pro­pose une expres­sion plus élé­gante comme Ça coûte les yeux de la tête, un bras, un rein ou vul­gai­re­ment Ça coûte la peau du cul.
La vie ne tient qu’à un fil, qui illustre la vul­né­ra­bi­lité de l’existence, sa fai­blesse, vient en droite ligne de la mytho­lo­gie grecque où les Moires, trois sœurs, pré­si­daient à l’existence de cha­cun. L’une tis­sait le fil de la vie, la seconde le tenait plus ou moins sus­pendu et la troi­sième le cou­pait quand l’échéance était arri­vée. Les Moires, deve­nues les Parques chez les Romains, ont ins­piré nombre de créa­teurs dont Sha­kes­peare (encore lui), pour les trois sor­cières de Mac­beth. Elles ont leur sta­tue sur le Forum de Rome sous le nom de Tria Fata (trois des­ti­nées). Le mot fée, en fran­çais, dérive direc­te­ment du latin fata.

Cette com­pi­la­tion d’explications ouvre de belles pers­pec­tives pour, selon le titre, épa­ter la gale­rie. Mais c’est sur­tout le lec­teur qui est épaté par la pro­fu­sion d’informations.

serge per­raud

Alfred Gil­der, 300 expres­sions bien fran­çaises pour épa­ter la gale­rie, Omni­bus, sep­tembre 2019, 232 p. – 14,00 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>