Sortant des pensées monothéistes à l’occidentale, Jean-Pierre Sergent opte pour une forme de don comparable à celui de la matrice féminine. Elle est dans l’œuvre de plus en plus importante au moment où, science aidant, certains rêvent de la remplacer par la « matrix » comme ils rêvent aussi à une nouvelle évolution de la procréation.
Face aux apprentis sorciers l’artiste franco-américain rappelle le besoin d’une vie sensée, c’est-à-dire d’un croisement harmonieux entre l’appétit du désir de reproduction et l’appétit du besoin d’expression. Toute l’œuvre est là : son créateur tranche, dévoile, force pour atteindre la nudité de l’art sous les oripeaux culturels, religieux et moraux qui la cachent.
Cette nudité n’est pas seulement sexuelle : elle est celle de la « vraie » vie comme du « vrai » corps lié à celui du cosmos. Dès lors, ces figures ne sont jamais libertines ou fantasmatiques. L’érotisation proposée est là pour faire jaillir une substance énergétique saisissable par le regard qui s’ouvre ainsi non à ou par l’alcôve mais vers l’espace illimité auquel l’artiste crée divers types de cadres.
Les formes que Sergent crée sont là pour l’éloignement du réel dans le but d’offrir une autre proximité. Voir ce n’est plus percevoir mais d’une certaine façon un “perdre voir” ou plutôt un “sur voir” afin d’exprimer ce qui se cache derrière les écorces de l’apparence en un véritable travail temporel et spirituel.
L’artiste renoue avec les forces non seulement primaires de vie et de mort mais avec celles que l’art, lorsqu’il n’est pas dévoyé, peut proposer. L’œuvre crée un envoûtement par sa puissance d’immanence au milieu de quatre puissances premières et cosmiques (d’un principe féminin) que le créateur présente en carrelages muraux.
Une immanence céleste venue du fond des temps jaillit contre le peu que l’homme est face au moindre auquel le monde d’aujourd’hui se soumet. L’oeuvre reste primitive du futur.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Sergent, Les quatre piliers du ciel, Musée des Beaux-Arts & d’Archéologie de Besançon, du 16 septembre 2019 au 4 octobre 2020.
Patchwork de l’essence “contre le peu… et face au moindre…”?