Kiki Smith à la Monnaie de Paris (exposition)

Les cica­trices faites à la Terre

Souvent les vola­tiles per­mettent à Kiki Smith d’évoquer une inti­mité errante. Ils lui per­mettent de pré­sen­ter des images à la fois les plus anciennes et les plus neuves. Mais plus sou­vent encore, par retour à la figu­ra­tion fémi­nine, l’artiste rap­pelle ce qui unit et dés­unit le corps en refu­sant d’effacer ce que la vie sécrète et ce que la mort dis­solvent.
Il faut donc accep­ter la confron­ta­tion avec la proxi­mité des oiseaux comme des femmes nues. Elle rem­place par­fois les crânes de ses anciennes « catr­ching views ». D’où les ques­tions que posent ces pré­sences : sont-ce vrai­ment des oiseaux ?  des femmes ? Est-ce vrai­ment nous ? Reste leur « Pas­sion » au sens chris­tique mais détourné du terme. Elle se super­pose en apo­théose para­doxale au for­mi­dable cor­tège humain dont l’artiste retire cer­tains éléments.

Néan­moins, en dépit de la gra­vité inhé­rente à sa recherche Kiki Smith explore de manière ludique le monde humain et ani­mal avec un humour et fraî­cheur. Ces qua­li­tés flui­di­fient une cer­taine bru­ta­lité et pimentent l’innocence venues des légendes. Sur­git un monde oni­rique à tra­vers divers médiums mixés (des­sin et gra­vure, pho­to­gra­phie et col­lage, bronze et por­ce­laine), entre auto­por­traits et effi­gies mys­té­rieuses.
L’exposition à La Mon­naie de Paris mélange entre autres grandes et petites sculp­tures de bronze et des­sins de femmes et d’oiseaux « pas­seurs d’âmes ». Ces oiseaux res­semblent à ceux qui han­taient la cour de sa mai­son de New York ou les bois de bou­leau de la cam­pagne où elle réside désor­mais. Mais il y a tout autant son cor­tège de femmes sou­vent muettes, dou­lou­reuses sans doute et dont la vision fascine.

Souvent ses sculp­tures sont des coups de poing. Le corps devient le sym­bole d’une Pas­sion qui ne peut dire son nom mais reste humaine et non chris­tique. Les êtres semblent deman­der encore par­don. Mais de quoi sinon des cica­trices faites à la Terre ? Peut-être devrions-nous enfin comp­ter les jour­nées de joie sur les doigts de leur main presque morte.
Ils la tendent au for­mi­dable cor­tège humain pour qui la mort reste là en bonne cama­rade. Kiki Smith nous le rap­pelle comme elle sou­ligne que nous sommes ses éga­rés pro­vi­soires. Notre foule est de plus en plus com­pacte, pour autant l’artiste veut croire à un espoir.

jean-paul gavard-perret

Kiki Smith, Expo­si­tion, Mon­naie de Paris, du 18 octobre 2019 au 9 février 2020.

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