Le Taiseux possède une avance sur le commun des mortels : il fait le vide et ne s’embarrasse pas des autres. Il sait “que parler ne veut pas dire” puisque tout “comment dire” cache un comment ne pas dire — ce qui est un des grandes découvertes de la psychanalyse. Certes, le livre de Séverine é dans ses fractures et ruptures (elles coupent la parole à la parole) laisse parfois suinter le vieux remugle de causerie.
Le taiseux semble vouloir tenir la jambe de bois et la langue du même tabac des autres avant de ressortir de la “mêlée solide”.
Il a d’autres chats à fouetter ou à se mettre dans la gorge. Ainsi placé, leur sourire devient un Cheshire qui fait peur mais qui rassure le possible parleur (depuis La Fontaine il ne vit qu’aux dépens de celui qui l’écoute). Mais Séverine é propose un “pas” de plus au taiseux. Bref, s’il parle, il croit parler, il croit. Puis boit de l’eau. Mais uniquement celle du fond de la carafe.
Etant plus lourde que celle du dessus, rien ne fait plus de bien. D’autant que — surtout lorsque qu’elle est ferrugineuse — elle rouille les poussées verbales.
Parler devient un fait railleur. Et le silence un faire ailleurs nécessaire. C’est la manière d’éviter l’émission de ce qui hurle plus dans la tête, plus dans l’estomac.
Séverine é ramène à l’essentiel, donc à Beckett. Plutôt que de parler, au mieux il est plus utile de sucer des cailloux avec un de ses héros.
Bon appétit Messieurs.
jean-paul gavard-perret
Séverine é, Le taiseux, illustrations de Laurent Maïo, Editions du Petit Rameur, 26 p., 5 E., 2019.
“Tenir ne tient qu’à la seule force du mot
Tenir un mot rajouté des dieux pour raccrocher les humains à la paroi du monde”
Le sac de mots fendu, sept lettres à terre: s-i-l-e-n-c-e
Un petit bijou ce livret