Marceline Desbordes-Valmore, Les Pleurs

« Tu me demandes si je m’occupe tou­jours de poé­sie. Oui, puisque j’existe ».

S’il est bien connu au moins depuis Mus­set que « rien ne nous rend si grand qu’une grande dou­leur », la belle légende dolo­riste de Mar­ce­line Desbordes-Valmore demande à être relue. Contem­po­raine de Lamar­tine et de Bau­de­laire, en un siècle où la lit­té­ra­ture est affaire d’hommes, sa poé­sie ne pré­serve pas la dou­leur comme une châsse une relique, mais vise à la trans­cen­der. 
Les Pleursne sont pas un long san­glot solip­siste, mais bien un échange, ce dont témoignent les nom­breuses épi­graphes et les poèmes adres­sés, mais aussi la belle pré­face d’Alexandre Dumas.

L’archi­tec­ture du recueil pro­cède d’un jeu de décons­truc­tion et de recons­truc­tion. Pas d’unité thé­ma­tique nette, mais une consti­tu­tion sédi­men­taire, « rayon à rayon, sou­pir à sou­pir », comme dit l’autre…
Les Pleurs sont mar­qués par plu­sieurs étapes : les pre­mières larmes ver­sées sont celles de la pas­sion, en pas­sant par le doute, la jalou­sie, la décep­tion. Puis la voix poé­tique s’ouvre à d’autres souf­frances, et les élans vers l’autre prennent le pas sur l’élégie personnelle.

Ensuite viennent des poèmes évo­quant la bigar­rure qui mar­quera Aloy­sius Ber­trand dans Gas­pard de la nuit quelques années plus tard, avant de céder la place à une sec­tion majo­ri­tai­re­ment consa­crée au sou­ve­nir des enfants, et qui a contri­bué à faire consi­dé­rer l’auteure avec une condes­cen­dance amu­sée, au pre­mier chef par Sainte-Beuve : ainsi a-t-on can­tonné Mar­ce­line Desbordes-Valmore au rang de poé­tesse pour l’école pri­maire.
Or Esther Pinon, qui réa­lise dans ce volume l’introduction, les notes, le dos­sier, la chro­no­lo­gie et la bio­gra­phie, montre qu’il est temps de recon­si­dé­rer l’ampleur de son œuvre. Mar­ce­line Desbordes-Valmore pro­pose une rhé­to­rique natu­relle, qui avait tant plu à Paul Ver­laine, ce que l’auteure de la pré­sen­ta­tion appelle « une esthé­tique humble de l’écriture chuchotée ».

L’ouvrage est inté­res­sant, le dos­sier bien construit et com­plet sans être enva­his­sant, les textes bien anno­tés : l’ensemble donne envie de refaire connais­sance avec la poé­sie de Mar­ce­line Desbordes-Valmore,  injus­te­ment relé­guée parmi les poe­tae minores.

yann loic andre

Mar­ce­line Desbordes-Valmore, Les Pleurs. Intro­duc­tion, notes, dos­sier, chro­no­lo­gie et bio­gra­phie par E. Pinon, avec une pré­face d’Alexandre Dumas,  GF, 2019, 304 p. — 9,00 €.

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