Hervé Rabot, Les petites ostentations

Trans­for­ma­tions des élé­ments linguistiques

Les pho­to­gra­phies de nu de Hervé Rabot ne se veulent pas de genre mais d’attribut. Celui d’une divi­nité à tra­vers laquelle l’auteur et pho­to­graphe cherche moins une vision d’après nature que l’objet d’une onto­lo­gie de la rela­tion du modèle avec l’artiste lui-même.
De telles prises sont brutes, sans conces­sion, ne cor­res­pondent pas for­cé­ment aux canons de beauté tra­di­tion­nelle même si les corps res­tent bau­de­lai­riens puisque propres à sus­ci­ter un désir qui fas­cine et un plai­sir qui tue.

Les cli­chés (qui n’en sont pas) pos­sèdent aussi, dans leur cru­dité sans fard, un carac­tère trans­gres­sif pour l’artiste lui-même. A tra­vers eux et dans les pos­tures aux­quelles les femmes ont décidé de se sou­mettre, Rabot se livre à une dérive ver­bale.
Le nu arra­ché à son contexte habi­tuel de simple pro­cédé devient l’éveil d’un maté­riau poé­tique tout en ouverture.

Il ne res­semble plus au délice béat sur lequel l’hédonisme cou­rant fonde sa théo­rie esthé­tique cou­rante. Le flot ver­bal hir­sute et libre ouvre ce que la femme elle-même sug­gère, entrouvre, montre. Elle devient la cour­roie de trans­mis­sion d’une appa­rente inco­hé­rence logo­ma­chique. Elle sert d’embrayeur à une dyna­mique qui se sépare de la simple nar­ra­tion.
Ce qui est extrait de la nudité est arra­ché aux asso­cia­tions logiques et à la repré­sen­ta­tion clas­sique pour que la langue de bois se trans­forme en bûche dans le feu.

Le regard comme la poé­sie ne sont plus fer­més. La femme devient une véri­table struc­ture, un concours de forces plas­tiques qui désaxe le dis­cours. Celui-ci devient mou­vant, basé sur l’antinomie entre le modèle et le pho­to­graphe.
Par ses mots, celui-ci tente de la résoudre au moment où la per­son­na­lité poé­tique du poète se rap­proche de la struc­ture psy­chique de la femme qu’il montre et à laquelle il donne parole afin qu’elle frac­ture la sienne.

jean-paul gavard-perret

Hervé Rabot, Les petites osten­ta­tions, 3 pho­to­gra­phies et texte mis en espace par Zoé Wel­ler, Dumer­chez, coll. Leprello, 2019.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Erotisme, Poésie

One Response to Hervé Rabot, Les petites ostentations

  1. Jeanne

    Rabot sur (les) lignes mou­vantes et vitales

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